Une grande traversée, de la montagne à la mer, mais plus encore par Agnès HERVE
La Grande Traversée – 100 miles Sud de France – samedi 11 octobre 2014 – 110 kils – 5000mD+
Agnès HERVE, Team Outdoor Paris
Elle n’était pas prévue au programme cette Grande Traversée, l’objectif de l’année étant comme chaque année depuis 5 ans, la TDS fin aout du coté de Cham. Mais voilà, à Cham, malgré une très belle préparation, malgré des beaux résultats aux trails de prépa, malgré le travail spécifique des descentes grâce à Vincent Dellebarre au stage STEM, et malgré le fait que je tienne la forme et que je sois affutée comme rarement, et bien, ça n’est pas passé… Pourtant, une belle gestion de course en ce qui concerne l’allure, en partant vraiment doucement. Mais, des belles erreurs, dont on ne se rend compte que trop tard. Je pars trop affutée pour un ultra, je ne prends pas le temps de me ravitailler bien que je n’arrive pas à m’alimenter en course. La « pause utile » plébiscitée par Vincent, dont je n’ai pas souvent besoin avant le passage à la nuit, bah là j’en avais besoin et je ne l’ai pas vu, ou je n’ai pas voulu le voir, et subitement – alors que j’étais remontée tranquillement en seconde position en me rapprochant de Maud qui vivait la même chose que moi de son coté – ce qui devait arriver arriva : une vision qui se trouble, de nombreuses chutes vu qu’on ne distingue plus le relief, l’envie d’en finir rapidement avec ce calvaire et de retrouver son chéri loin de tout ça…..
La Gite, tout le monde descend, retour à Cham, sans une seule courbature, sans avoir réellement commencé la course et avec une grande frustration et mésestime de soi. Le sentiment d’un grand gâchis, d’avoir couru comme une débutante et d’avoir annihilé des mois d’entrainement et cet état de forme que l’on ne retrouve que très peu souvent. La grosse loose internationale quoi! Les quelques jours en famille au Ventoux pris en rab me feront oublier passagèrement tout cela…. mais, dès le retour au mag, alors qu’on me demande plusieurs fois par jour « ce qu’il s’est passé alors que j’étais si bien partie« , ce sentiment remonte à la surface…
C’est alors que le coach intervient, comme à chaque fois, fort à propos! Bah ouais! Le coach il est trop fort et il comprend tout : coup de fil et il me dit qu’il faut se remettre en selle vite fait là et trouver un objectif rapidement. Il me propose les championnats de France, mais c’est vraiment trop tôt par rapport au magasin, il y a la rentrée à gérer et puis je suis déjà partie 4 semaines cette année alors, cela ne va pas le faire, dommage… Les Templiers sur l’ultra? Pas possible, là encore une obligation professionnelle des moins réjouissantes est au programme ce vendredi 24 octobre.
Et puis, de toute façon, Jonath court le Grand Trail des Templiers ce dimanche, je n’ai pas envie qu’il passe son temps à courir partout pour venir me faire les ravitos ou me voir, deux jours avant sa course. Alors? Le coach regarde et me rappelle….. eurêka : la Grande Traversée : de Vernet les bains à Argeles sur Mer, de la montagne à la mer, 110 kils 5500m de D+ dans mon sud chéri! Que demander de plus???? J’hésite encore, la trouille d’y retourner. Est ce que je vais en être capable après ce gros échec? Une longue discussion avec Caro au terme de laquelle « c’est décidé, j’y vais« …. et la décision finale est prise en concertation avec Jonath, c’est parti! Le jour même, l’avion est réservé ainsi que les logements à Vernet et à Argeles et la voiture de loc…. Il faudrait penser à s’inscrire maintenant…. Euh….. plus d’inscription possible! La loose, je suis blonde, avec l’enthousiasme, je n’ai même pas pensé …. Finalement, le dossier papier est envoyé et l’inscription acceptée! Ouf!!!
Et donc, direction Mon Sud avec mon chéri, la montagne, la mer, le ciel bleu et une belle petite ballade en perspective, j’ai hâte!!! Il faut dire que le descriptif de la balade met l’eau à la bouche : « Au départ de Vernet les Bains, votre objectif sera de rejoindre la mer. Après une première montée raide sur les contreforts du Canigou, vous arriverez au symbolique refuge des Cortalets à 2100 mètres d’altitude. Ensuite, en quittant le Conflent, vous retrouverez le Vallespir pittoresque et authentique avant de rejoindre les Albères, magnifique chaîne de montagne qui se jette littéralement dans l’eau de la Méditerranée…. » Jeudi 9 octobre, direction Orly et hop hop hop ;), après un peu de péripéties qui pimenteront le trajet… bim, nous voici à Perpignan à la terrasse d’un café, puis, à Vernet les Bains dans notre superbe appart pour 6 au pied du massif du Canigou!
La course! Après avoir bien failli louper le départ – merci Jonath de m’avoir indiqué un faux lieu de départ ;)))) – c’est finalement parti sur les coups de 5 heures du mat pour la plus longue ascension de la course, direction le Refuge des Cortalets. Je pars tranquillement, comme à mon habitude, même si sur ces premiers kilomètres montants goudronnés, tout le monde court. Je serai une des toutes premières à marcher dans le chemin en terre qui marque le début de la véritable ascension. Rien ne sert de courir, il faut partir à point! Eh ouai!
Ça marche vite quand même autour de moi, certains continuent même à me doubler en courant! Peucher, ça va faire mal dans quelques heures ça! Je jette un œil au cardio, 130 – 135, parfait! On passe vite sur un sentier monotrace qui monte assez sévère avec des virages relativement serrés. Je me fais encore dépasser alors qu’à mon sens, on avance quand même assez rapidement. Je transpire même à grosses gouttes à ce moment là! Un ou deux virages en dessous, j’entends une nana parler et parler et parler. Elle semble accompagnée. Je ne sais pas comment elle fait, perso, pour pouvoir marcher aussi rapidement tout en parlant, car je trouve qu’on n’est pas si doucement que cela à ce moment là pour un début d’ultra.
Au fur et à mesure des virages, l’allure ralentit clairement devant. On est toujours tous à la queue leu leu, du coup ça oblige tout le monde à calmer un peu le jeu. Je suis maintenant à moins de 130 au cardio mais je n’ai pas envie de doubler. Je reste, ainsi, tranquillement derrière à profiter de ce rythme cool, d’une part, parce que c’est très bien comme cela, la route est longue… et ensuite, parce doubler sur un single, tu ne le fais que si ça vaut vraiment le coup, car on peut y laisser pas mal d’énergie, sans parler du risque de blessure, surtout de nuit! On continue donc à monter tranquillement. La miss, derrière, s’impatiente et double pas mal de coureurs, tout en continuant à parler. Elle a l’air vraiment très facile! Laissons la faire, perso, je suis bien là…
Fin du single pour laisser la place à une belle piste large et roulante qui monte relativement moins. La nuit est moins noire, beaucoup ont repris la course. Finalement, Claudia est juste devant, à quelques mètres. Elle se met à courir, comme beaucoup, sur cette piste. Perso, je préfère continuer à marcher, nous n’en sommes qu’au début de course, autant économiser son énergie. Je me mets en mode marche nordique….. et, après quelques minutes, alors que la pente s’élève un peu, je repasse le couple. C’est bon ça :)… histoire de montrer que t’es là et que toi tu marches mais que tu ne perds pas de terrain :))) hihihihihi je suis trop fière de moi sur ce coup là :) La miss repasse en courant un peu plus vite, je calme le rythme coté marche…. on a le temps, c’était juste histoire de marquer un peu les esprits :))) On ne se refait pas heing :)
Allez, fini les gamineries, il faut rester vigilante car devant tout un groupe a loupé l’embranchement sur un single qui mène au refuge des Cortalets où est quillé le premier ravito après 10 kils de course. Ils reviennent tous comme des dératés. pfffiou doucement les gars! Ravito que je passe tranquillement, vu que j’avais chargé tout à bloc. C’est superbe ici car le soleil, que l’on devine pour bientôt, donne une couleur magnifique à l’horizon. Mais, on va vite se reconcentrer sur ses pieds, car cette première descente de la journée donne le ton de toutes celles qui vont suivre : des cailloux, des cailloux et des cailloux, sur un single tout juste assez large pour laisser le passage pour une personne. C’est trop chouette ! J’entends un gars devant qui dit « que c’est bientôt fini comme passage qu’après cela sera roulant« …. alors, soit il est du coin et il trouve tout roulant, car les gens d’ici ils trouvent tout roulant y compris les passages tellement escarpés que tu dois y mettre les mains ;-) , soit il a fait comme tous ceux qui ont lu le road book, en pensant qu’il allait faire une belle balade roulante de la montagne à la mer! Le petit chemin continuera un bon moment. Devant, ça bloque un max. Après une dizaine de minutes à devoir marcher tellement on est à l’arrêt, je décide d’essayer de doubler…. On y voit un peu plus clair, c’est moins dangereux qu’en pleine nuit. Ça va vraiment trop doucement. Hop hop hop!
C’est un peu compliqué de passer mais j’y arrive tout de même, non sans avoir été conseillée de « rester tranquille car la route est longue« . Pas faux, mais là quand même, on n’avançait pas du tout! S’il faut faire toutes les montées et les descentes en marchant, la mer on va mettre un petit moment à pouvoir en apprécier la couleur…. déjà que…… Allez bim! ça court! trop bon! Merci Vincent! Je te dois beaucoup! Jamais je n’aurais pensé prendre autant de plaisir en courant dans des singles tout pentus avec tout plein de pierres un jour! Je continue à doubler tranquillement…. On rattrape aussi des coureurs des 100 miles avec, à chaque fois, un petit mot d’encouragements de part et d’autre. Trop bien! Il est vraiment top ce chemin. On va même bientôt pouvoir éteindre la frontale.
Fin de la descente pour arriver sur un superbe chemin en balcon, plutôt descendant mais qui présente tout de même quelques belles bosses. Je suis maintenant avec deux autres compagnons d’aventure. On continue à doubler Le jour est bien levé et le soleil semble annoncer une journée chaude…. Va falloir gérer tout ça aussi. Surtout que j’ai mal au bide depuis le début. Rien de trop handicapant mais bon à la longue…. Le petit chemin est vraiment agréable et on pourrait vite se laisser aller à accélérer. Surtout que j’ai tout de même hâte de retrouver mon petit homme qui m’attend au 25ème! Mais, non, la route est longue… il faut rester tranquille, et trottiner tout doucement. Un des gars trouve surement le train trop lent d’ailleurs, car il passe et file au loin. Le second, Luc, reste derrière et on échange quelques mots.
Ah cette fois, ça descend plus droit dans la pente. Luc passe car je préfère rester encore en dedans pour ne pas taper sur les cuissots trop tôt. Je sais qu’ils sont costaux les bougres mais je vais essayer de les préserver encore un peu. Surtout, que j’y vois que dalle avec le soleil levant éblouissant en pleine figure! Le refuge de Batère youhhhh avec mon chéri qui est là comme prévu! Il est trop fort mon homme. La veille au soir, après être rentré de l’entrainement, il a tout rentré dans le GPS pour pouvoir me voir au plus grand nombre de ravitos possibles. Il est là, donc, fidèle au poste, pour ce premier rendez-vous de la journée. Il me gère le sac et le changement de bouteille tandis que je vais tranquillement me ravitailler à la table de ravito après avoir bu le verre d’eau gazeuse qu’il me tend comme défini. Je prends 2 minutes tranquille. Les gars sont déjà repartis je crois, mais bon comment on dit déjà : la route est longue!!! :) Un bisou à mon homme et…
C’est reparti en descente… le roadbook annonce une descente « roulante sans grande difficulté »… il en sera tout autre, tout du moins du point de vue de la petite parisienne que je suis, elle m’a paru bien cassante à souhait, cette descente sur sa majeure partie! Mais, c’est bien plus rigolo comme ça et en plus, maintenant, je suis une pro en descente – euh on va tout de même ne pas trop se jeter des fleurs tout de suite car je risque d’avoir besoin de mes chevilles qui se tordent à peu près tous les 5 mètres! Boudie! On n’est pas arrivé! Néanmoins, je double et double et double :) trop bon! Pourtant, je ne vais vraiment pas vite mais devant ça va moins vite que moi on dirait! Le chemin est maintenant assez rigolo avec des grosses pierres rondes et blanches avec lesquelles il faut jouer en sautant de l’une à l’autre. J’y retrouve Jean-Luc, qui sera très très longtemps un compagnon, plus ou moins près, de route. J’ai hâte de retrouver Jonath car le bide n’est pas au mieux et je sais que j’ai besoin de mon verre d’eau gazeuse. On devrait arriver sur la première base vie d’Arles au kilomètre 35…. bizarre, car ça descend toujours et on est au milieu de je ne sais où, au 34ème kil et aucune trace de civilisation en vue…. hum….
On descend maintenant sur une sente recouverte de feuilles : ça fait du bien de dérouler un peu quand même!!! Sauter de pierre en pierre petit pas après petit pas laisse tout de même des traces et les cuissots souffrent un peu. On arrive sur une route et on nous annonce la base vie dans 2 kilomètres. On est déjà au 38ème au garmin… Juste devant ya ma Gégé qui est engagée sur le long. Elle me dit qu’elle est morte mais cette nana a des ressources tellement incroyables que je n’y crois pas une seconde!!! Et j’aurais raison, comme le confirmera la suite de la course! C’est un peu lasse d avoir attendu ce ravito si longtemps et avec un mal de bide certain que je rejoindrai la base vie dans laquelle Jonath entre en même temps que moi, comme le veut le règlement. 5h29 de course pour 40 kils….. J’avais hâte de le revoir. Un petit bisou et on se dirige vers les tables et chaises près du ravito. Il s’occupe du sac tandis que je bois mon eau gazeuse avant d’avaler une soupe et deux morceaux de fromage. Je n’ai pas faim mais je me force en prenant le temps….. On ne va pas m’y prendre deux fois à jouer les blondes heing ;)
Après 4 bonnes minutes et avoir refait peau neuve en changeant de Tee Shirt pour éviter que ce dernier, tout mouillé, vienne refroidir mon bide, je repars toute guillerette direction le col de Paracolls. Le chemin n’est vraiment pas évident là, alors il faut y aller à sa main. Je double Jean-Luc qui semble avoir besoin de se restaurer. Il attendra un peu avant d’enquiller, ce qui fait que je continue seule tranquillement. Puis, on passe sur des chemins plus ardus et ça monte droit dans la pente. Ouf on y est! Une belle descente encore assez technique à faire mumuse avec les cailloux avant de retrouver la route et …. mon homme venu à ma rencontre :) Ça fait un bien fou de le voir car il m’avait dit « on se voit dans 16 kils » et je ne m’attendais pas à la voir avant le 56 ème de fait! Mais il s’était trompé, à peine 10 kils séparent la base de Vie du village de Montalba d’Amélie. Jonath repart vers le ravito afin de tout préparer à mon arrivée. On est de nouveau sur des sentiers sympas, un peu moins techniques, ce qui fait qu’on peu dérouler un peu quand même. Je rejoins Montalba où Jonath m’attend. Même protocole que d’hab. Jonath s’occupe du sac tandis que je me ravitaille tranquillement. Je repartirai 2 minutes plus tard à l’instant même où Jean-Luc rejoint le ravito.
C’est reparti direction le Puits à Glace….. que l’on n’atteind………. JAMAIS!!! C’est juste interminable cette montée!!! On évolue déjà dans une foret sur des chemins avec tout plein de châtaignes. Puis des hêtres. Puis des chênes. On ne voit même pas le chemin, juste des arbres avec plein de feuilles aux couleurs automnales qui recouvrent le sol. Et de ci de là, une rubalise qu’on cherche quand même un peu et qui nous annonce qu’il faut donc continuer à monter, monter et encore monter! pfffffiou…. C’est long là! Surtout que je suis seule depuis un petit moment maintenant!!! Ah mais, j’aperçois deux coureurs au loin….Cela me fera un peu de compagnie dès que je les aurais rejoints. En fait, ce sont deux coureurs aux dossards bleus de la Grande Traversée qui marquent un peu le pas…. Ils me félicitent pour ma course et on échange quelques mots. Je suis moralement un peu lasse et après les avoir remerciés, je lâche un « c’est interminable ce truc! » qui en dit long. Mais je continue mon avancée au même rythme à travers les arbres et je ne les vois bientôt plus.
Enfin!!!! Du plat! Je suppose qu’on a passé le Col du Puits à Glace! Une belle sente un peu pierreuse, recouverte de feuilles et en devers permet de se délasser les gambettes mises à mal dans cette ascension sans fin! J’entends courir derrière moi, Jean-Luc revient tranquillement. On court, on court et on court… Enfin, pas vite heing!!!! Je ne me rappelle plus que des barrières symbolisant la frontière que l’on passe et repasse…. Plus d’une longue route/piste en ciment qui descend doucement vers le village…. au moins sur 5 kilomètres…. Vous me croirez ou non, mais je regrette les sentes avec tout plein de cailloux parce que cette piste super dure en ciment qui t’oblige à courir tout du long mais ça tabasse les cuissots secos!!! Cool, mon homme qui vient à ma rencontre! On échange quelques mots…. et je crois comprendre que la encore on va avoir le droit à un peu de rab avant d’atteindre le village de Las Illas.
Jean-Luc nous a rejoint. Jonath repart vers le ravito pour tout préparer comme à chaque fois… et, avec Jean-Luc, nous bifurquons sur la gauche sur une sente qui descend fort direction la salle de Las Illas. On a le droit tous les deux à une assistance hors pair. Ces kilomètres à rallonge commencent à me miner un peu le moral surtout que mon épaule commence à bien me faire souffrir, surtout sur ces longues pistes toutes dures. Jonath s’occupe du sac, je me ravitaille en prenant une madeleine au ravito en plus de l’eau gazeuse, même deux madeleines, allez soyons fous!!! Si je fais une hypo là, j’y comprends plus rien :) Je vais avoir pris 5 kilos à l’issue de ce trail avec tout ce que je mange au ravito en plus des pompotes et du coca Peucher!
Je repartirai de Las Illas en premier. On m’annonce une portion de route de 2 kilomètres avant de rejoindre une piste. Jean-Luc me rattrape et me double à grande foulée. J’ai du mal à accrocher et je préfère laisser partir. Je le rejoindrais à la faveur d’une discussion qu’il a avec son épouse qui vient de passer en voiture. Jonath passe à son tour et sort pour prendre des photos. Ça fait vraiment du bien de le savoir à mes cotés. Surtout que je ne sais pas pourquoi mais je me pose des questions sur mon état de forme : je n’arrive pas à suivre Jean-Luc qui s’est mis à courir sur cette large piste au profil ascendant. Et puis la bouteille qui fuit et le bazar me trempe le dos. Bon ça c’est réparé, il suffisait juste de revisser un peu. Quant à suivre Jean-Luc qui s’envole au loin en compagnie d’un autre coureur, bah non, je préfère rester tranquille et marcher tant que la piste monte trop à mon gout!!!
Après 3 kilomètres de piste montante, je rattrape les fuyards, puis les dépasse. Je me retrouve alors seule un bon moment…. Plus long que prévu d’ailleurs car on est déjà au 80ème kil et toujours pas de Base de Vie. Je m’enquiers auprès d’une cycliste venue encourager les coureurs pour savoir à quelle distance de Le Perthus nous sommes. Elle me dit que c’est le village tout de l’autre coté de la vallée là bas. Ouh la la la la ….. Oh chouette, Jonaaaaath! Du coup je réitère ma question pour savoir si on est loin… encore un peu plus de 2 kils me répond-il. Ça fait du bien de le revoir. Je lui demande si les gars de devant, ils tiennent les prévisions de l’orga en terme de temps de passage. Mais il ne sait pas. On parle de tout de rien. Puis, il repart pour préparer tout le fourbi pour le ravito.
Après une dernière montée, on quitte la piste pour passer sur le bitume. La, juste devant moi ya un gars qui sort d’une voiture et qui détalle comme un lapin sur la descente en bitume. Bon bah moi j’peux pas courir vite comme ça après 83 bornes de course! …. Enfin, la base de vie…. Elle est super sobre mais j’y retrouve quand même mon homme! Je change le TS avant d’aller demander une soupe. Pas de soupe alors je me rabats sur le fromage et encore 2 madeleine. Deux verres d’eau gazeuse. Jean-Luc rejoint alors la base vie. Il a l’air marqué. En secret j’espère bien qu’on repartira ensemble car j’ai bien envie de passer un peu de temps avec lui, surtout quand la nuit pointera le bout de son nez. J’aime pô la nuit! D’ailleurs, je n’embarquerai pas ma PETZL ULTRA cette fois-ci mais j’attendrais le prochain ravito au Col de l’Ouillat vu qu’on avait dit qu’on ferait comme cela si j’arrivais à la base vie avant 17 heure… Et j’en repars 6 minutes après mon arrivée, soit à 16h56. Le gars de la voiture est déjà reparti! Jean-Luc semble encore marqué. Bon, tant pis, je repars quand même, il reviendra dans la montée et on pourra faire la nuit ensemble.
C’est parti pour 10 kilomètres de montée me dit Jonath. C’est super beau l’éclairage de la piste sous le soleil qui commence à descendre dans le ciel. Je suis contente d’avoir changé de TS, ça fait du bien un Tee Shirt tout sec. Je passe quelques coureurs des 100 miles. On échange des encouragements. Mais on ne montera finalement pas très longtemps et c’est une portion plutôt plate légèrement montante qui se déroule devant les pieds. Je m’attendais à monter tranquillement avec les bâtons en marchant mais là, il va falloir courir! Et ça court sur pas loin de 5 kilomètres en réalité. Je rejoins le gars de la voiture qui alterne marche et course devant. On fera quelques chassé-croisés avant que je passe devant. Ça remonte alors dans les bois de châtaigniers jusqu’au ravito du Col de l’Ouillat où je retrouve mon chéri. Le vent souffle fort, ça caille secos!
Je quille le BreathThermo pour passer la nuit. Le buff et ma petzl ultra prête – plus que moi en tous les cas – à affronter la noirceur de la nuit pyrénéenne! Allez allez, le protocole habituel et on repart après le bisou. Jean-Luc n’est pas revenu. Mais Maria que j’ai doublée juste avant le ravito est repartie bien avant moi : au moins je suis certaine de croiser du monde. Jonath m’annonce un kilomètre de montée avant la redescente vers Lavall : je dois le retrouver dans 13 kilomètres ce qui veut dire à ma montre au 103ème kilo. Le soleil commence à se coucher maintenant et pour peut que nous soyons dans les bois, on n’y voit plus grand chose. Je commence à appréhender vraiment car je ne vois pas le balisage de nuit se densifier pour autant. Dans les bois, je manque une ou deux fois mon chemin avant de revenir dans la bonne direction. La frontale ne donne pas trop de résultat avec les fanions de nuit car il ne fait pas assez noir et les rubalises rouges ne sont pas visibles non plus. On se calme, ça ira mieux quand la nuit noire pointera le bout de son nez….. ou pas!
Je reprends Maria qui est concentrée avec ses écouteurs. Un autre coureur du 100 miles est devant. On sort de la forêt pour rejoindre la plaine des Albères très sombre, presqu’aride avec seulement quelques buissons épars et cette très longue barrière en barbelés qui semble matérialiser la frontière. Le vent souffle fort, le brouillard devient épais et le balisage semble inexistant. Le gars à la voiture qui m’a redoublée à toute berzingue dans la descente semble très loin maintenant. Je cherche soit une frontale, soit un fanion rouge lumineux mais rien, ni l’un, ni l’autre. Je me retourne et aperçois une frontale derrière mais loin. J’hésite à attendre car là, je ne sais vraiment pas dans quelle direction aller sur cette immense plaine qui semble infinie. hop! Une frontale qui se retourne 300 mètres un peu à gauche…. je n’étais pas vraiment dans la bonne direction là…A moins que, lui aussi, il soit paumé! Le brouillard se réfléchit maintenant dans la lampe et on ne voit plus rien! Nada! Je passe en mode panique. J’appelle Jonath au tel, je sais pas où aller. Il me demande où j’en suis de la descente : « bah je monte toujours en fait, pas l’ombre d’une descente à l’horizon!!! » pourtant je suis déjà au 103ème au garmin et plus de frontales, ni devant ni derrière. La misère! Je continue à monter dans cette plaine au hasard tout en lui parlant. Et là, d’un coup deux bénévoles au milieu de nulle part à la recherche des coureurs. Je leur demande par ou je dois aller car là ya plus de balisage. Ils me disent de rejoindre la piste à droite puis à gauche qu’après ça va aller. Jonath me dit qu’il monte pour venir à ma rencontre. « A tout de suite« ….. ouai tu parles « tout de suite »!!!
Alors, elle est où cette fichue piste??? Je vois un pauvre fanion et après plus rien. Juste des campings cars. Le gars se rend compte que je suis en mode panique et m’accompagne sur la piste. Mais cette dernière ne ressemble pas aux autres toutes lisses, cela aurait été vraiment trop facile! Ya de grosses ornières, pas ou peu de balisage, et un brouillard tel que l’on ne voit que sa propre lumière qui s’y réfléchit. C’est très compliqué de courir de fait car les appuis sont super instables et on ne voit pas où on met les pieds. On ne voit même pas la direction que prend la piste 2 mètres plus loin! Après ce qu’il m’apparait d’interminables minutes, au moins 30, je croise un bénévole en VTT qui m’annonce un point d’eau dans 1 kilomètre puis 3 autres kilomètres de descente sur single dont 500m très très techniques! Boudie, ça promet ça! Quand je vois que les sentiers dits roulants sont de véritables pièges à chevilles, je n’imagine pas la tête des descentes techniques ;) Et toujours pas de Jonath en vue :(…. Après 10 minutes, j’atteinds le point d’eau où m’attendent 2 bénévoles qui me montrent le chemin …. je n’y vois aucun balisage…. La bénévole me dit de faire attention, que ça descend fort et encore plus après! Je lui réponds que je n’y vois rien! Elle me dit que je vais découvrir le balisage au fur et à mesure.
C’est le début de l’enfer! Je ne vois pas de balisage. Je descends au pif vu que je ne distingue pas de chemin. Je me retrouve face à face avec des buissons à plusieurs reprises. L’instinct te refait prendre la bonne direction puis tu te retrompes. Par moment, le brouillard se lève mais retombe aussitôt. J’ai hâte d’arriver. Pas de jonath. Je commence à avoir peur qu’il se soit paumé avec ces conditions et en sens inverse. Déjà que dans le bon sens, le balisage ne se voit pas terrible dans ces conditions mais dans le sens opposé, je n’ose imaginer! Ah tiens, le sentier semble remonter! Boudie! Une frontale en face. jonath? Youhhh mon chéri! Enfin! Le bisou traditionnel et la question que je n’aurais jamais du poser « C’est encore loin là? »…… Et la réponse que je n’aurais jamais du écouter « euh je suis pas sur que tu vas aimer ce que je vais te répondre en fait : j’ai mis 50 minutes en courant et c’est hyper technique avec des grosses marches limite escalade« …..
Et là, c’est parti pour le mode « râleuse » …. 1h10 pour faire 2 kilomètres. Des grosses marches que tu peux à peine descendre tellement les cuissots piquent, des racines, des chemins improbables que l’on ne trouve pas forcément du premier coup, malgré le fait que Jonath les ai empruntés dans le sens inverse. Les chevilles sont malmenées, ya des trous… et là, alors que j’ai déjà toutes les peines du monde à avancer, que les lumières du ravito ne se rapprochent pas malgré les minutes qui s’égrainent, que les bâtons ne parviennent même pas à soulager, que je manque de me rétamer la tête par terre tous les cinq mètres, là, arrive l’improbable, le truc qui ne t’arrive qu’à toi, dans le noir et dans cet enfer : la rencontre avec LA BETE! – ça mérite les majuscules et le gras, croyez-moi!!! – Le truc qui vient te piquer dans la chaussure, juste en dessous de la malléole, que tu vois scotché sur la cheville sans rien faire tellement la douleur est vive et qui repart en te laissant un cadeau : le DARD de LA BETE! Un sale Taon qui se promenait par là!!! Et c’est pour qui? Pour moi pardi! L’enfer! Je me relève avec un pied qui me lance comme jamais. Et je continue à râler après Jonath maintenant car ça fait 30 minutes qu’il m’a dit que le technique se finissait « bientôt » et que c’est toujours aussi déglingué comme chemin avec des cordes même!
Je râle, je râle, je râle…… et je râle! Je passe volontairement sur la portion du récit qui relate la fin de la descente…. pour retrouver le bitume et une dernière montée vers le ravito de Lavall. Jonath m’a dit qu’on lui avait dit que la montée qui suivait et la descente avant les 5 kilomètres de plat finaux n’étaient pas du tout technique….. Mais comme maintenant je ne crois plus en rien, et que je suis toujours en mode panique, je demande confirmation. « non, pas technique, ne t’inquiète pas »… Je me ravitaille car je suis limite hypo : c’est vraiment compliqué de penser à boire et à manger quand tu es concentrée sur les difficultés du terrain. J’avale deux madeleines. Redemande des infos sur les 12 derniers kilomètres direction Argeles sur Mer. Deux très gentilles bénévoles m’expliquent le parcours dans les moindres détails et, vu que je ne suis pas encore rassurée, me proposent de m’accompagner sur le premier kilomètre de piste. Merci beaucoup. Un bisou à Jonath auquel je donne rendez-vous très bientôt…. Et on part toutes les trois à l’assaut de ces derniers 300m de dénivelé positif « faciles »… Les bénévoles me laissent à l’entrée du sentier qui s’élèvent en me disant qu’elles préviennent le PC course de mon arrivée pour qu’on m’accueille avant la chapelle située à 5 kilomètres de l’arrivée. Merci infiniment!
Allez c’est parti! …. « roulant »! Des grandes marches…… oui…..!!!!Bon, de toutes façons, il faut monter, ya plus le choix! Mais, je sais maintenant que la notion de « roulant » est très relative…. Je pose le cerveau et je monte, je monte et je monte! Et le KERN qui marque la fin de la montée et l’arrivée au Col de l’Aranyo et le début d’une descente que j’espère roulante…. « roulante » comme d’hab….. et des marches, des pierres, des dévers, une corde….. Heureusement que le cerveau est posé! Je double un dossard bleu qui semble encore plus mal en point que moi…. Quelques mots d’encouragement et je poursuis mon chemin « roulant »…. On aperçoit les lumières d’Argeles d’en haut dans la nuit :) La classe! Et là j’entends des cloches et des « la voila »! On m’attend de pied ferme en bas après le passage de la corde! Ça fait chaud au cœur! Un monsieur court ensuite à mes cotés sur la piste qui mène à la Chapelle, tout en me briefant sur la fin du parcours : 7 kilomètres maxi 1 heure qu’il me dit et quasi que du roulant mis à part le petit chemin qui suit et qui ne dure que 5 minutes. « Roulant comment? » ehehehe je me méfie maintenant. « Une grande piste qui descend sur 2 kilomètres puis que du plat pour rejoindre Argeles« ! « C’est sur, ya plus de cordes? » – la fille à peine traumatisée, des restes du dard de LA BETE surement!!!! – « Promis, tout roulant, juste 5 minutes de petit chemin et une grande piste qui descend » …. Merci infiniment et bon courage Monsieur…
Il y aura moins de 5 minutes de chemin en fait avant qu’arrive la grande piste et où je retrouve Jonath presque tout de suite. J’alternerai marche et course jusqu’à la fin…. En ayant toujours peur de me faire rattraper par une nana vu mon allure d’escargot sur les 25 derniers kilomètres et vu que je n’ai pas d’écarts…. La peur de franchir la ligne d’arrivée en fait ;) Jonath se moque gentiment de moi. La piste cyclable, le port et la dernière ligne droite…. Jonath repart pour aller chercher l’appareil photo à la voiture tout en me donnant le challenge d’arriver sous les 18h30! J’aperçois l’arche enfin tout au bout de cette longue ligne droite. j’ai le droit aux encouragements des personnes qui se baladent sur le littoral : l’émotion monte et je ne ressens plus de douleur. Je pense à mon coach, à Tracy qui est née il y a 2 jours, à mon amie Caro sans laquelle je n’aurais pas osé m’inscrire, à mes clients et surtout à mon homme qu’il me tarde de retrouver! L’arche, tout prêt maintenant…. comme d’habitude, pas de bras levés, pas de poing serré, juste le grand sourire et beaucoup d’émotions….
Au micro, le speaker m’annonce comme étant Maria Sermerjan... bé non raté ;) je ne dis rien mais, après bipage de ma puce, l’erreur est rectifiée ;) S’en suit le classique interview sur les sensations, le comment j’ai vécu la course. Je profite du micro pour remercier en premier mon homme pour son assistance tout au long de cette belle journée et d’être présent à mes cotés au quotidien. Quelques mots pour remercier très sincèrement tous les bénévoles aux petits soins depuis Vernet les Bains et sur le parcours, le plus difficile qu’il m’a été donné de faire sur un trail mais si riche, tant dans les paysages que sur le type de chemins empruntés. Et une mention spéciale pour le monsieur avec le TS rouge salomon qui a été aux petits soins pour moi à l’arrivée en allant me chercher un perrier au bar et le lendemain pour s’assurer qu’on ne raterait pas l’avion si on assistait à la remise des prix.
J’ai adoré ce trail, même si je l’ai trouvé très exigeant et technique, j’ai adoré cette petite escapade dans le sud et j’ai adoré surtout partager tout cela avec mon homme qui s’est démené comme un beau diable pour me voir à tous les endroits possibles, même les plus reculés ;) Merci loulou..
Agnès
Jean-Yves MORAUD
20 octobre 2014 @ 8 h 30 min
Superbe compte-rendu d’un bel exploit qui nous a tous surpris (la photo dans l’avion direction le Sud). Un roman palpitant que l’on ne lâche plus une fois que l’on a commencé à le lire. Reste plus qu’à t’équiper d’une Go-Pro et ainsi nous faire vivre ces belles aventures en « live ». J’ai adoré l’épisode des madeleines ;-) Bonne récupération championne. Tes prochains objectifs : l’EcoTrail, … ?