Pas toujours facile d’être au TOP mais fallait y aller : la grande Course des Templiers
Dimanche 27 octobre 2013, par Antoine ALLONGUE (Team Outdoor Paris – ADIDAS) et Pierre BUSTINGORRY (Team Outdoor Paris – LAFUMA)
1. L’avant course
Pierre :
Pas besoin de présenter l’événement, tout le monde connaît ce rendez-vous mythique de fin de saison : 73km pour 3200 de D+ en plein cœur des causses. Un soir de Septembre, je rentre chez moi et ma copine m’offre ce dossard pour la grande course des Templiers (oui elle est parfaite !!), ça fait forcement plaisir !! Bon j’ai les championnats de France de Trail long à Gap 3 semaines avant… mais ça va le faire !! Pour préparer ces deux grands évènements, mon, coach décide d’augmenter un peu la charge de travail : Je n’ai plus de sortie en dessous d’1h et je place quelques sorties longues en vélo dans le bois de Vincennes le weekend : Rien de terrible mais faut respecter les contraintes de tous les jours aussi !
Après Gap (26ème) je décide de couper une semaine pour tenter de récupérer au mieux car je me sens déjà entamé physiquement mais aussi mentalement. Les deux dernières semaines avant les templiers je ne me sens toujours pas top et l’entraînement reste donc souple, il n’y a plus rien à gagner maintenant, mais il y a possibilité de tout perdre si j’en fais trop… J’aborde donc cette dernière épreuve de l’année motivé mais entamé. Je le sais mais j’essaie de me mentir à moi-même (parfois ça marche !! ^^). La stratégie du jour, (que j’ai copié à Antoine Allongues !) c’est de partir prudemment jusqu’au 1er ravito au km 22 puis d’aller grappiller les places 1 à 1 pour revenir dans un TOP 30 ou TOP 20 si tout se passe bien !
La veille de la course, on descend à 3 vers Millau, avec Arnaud et Fred qui courent eux aussi la grande course. Pasta, eau et au lit à 21h avec réglage du réveil… Humhum, réglage des réveils car c’est la nuit du changement d’heure. Changement d’heure qui doit s’opérer à 3h du matin. Et nous on prévois un réveil à 2h15 soit 3h avant le début de la course… je vous laisse réfléchir au problème ! Comme prévu ça ne marche pas et on doit donc se tracer pour avoir le temps de s’échauffer correctement (merci Arnaud pour ta lucidité de si bon matin !!).
Antoine :
La grande course des Templiers…C’est vraiment quelque chose ! Elle clôture la fin de saison et présente toujours ce qui se fait de mieux dans le trail. Un salon séduisant, une ambiance festive, un plateau très relevé et surtout un tracé varié à souhait : Plateaux roulant, montées progressives où la course est difficile et descentes techniques. Chaque année, les organisateurs nous réservent leur lot de surprises et cette année encore nous avons pu découvrir de nouvelles portions en balcons ré-ouvertes spécialement pour l’occasion par la fameuse « brigade verte ». Avec les couleurs chaudes de l’automne, le circuit est magnifique. Je me plais beaucoup à courir dans ces Causses noires qui me rappellent la Provence calcaire et les massifs méditerranéens.
L’arrivée à Millau est géniale : Mon frère Romain m’a récupéré à Marseille et nous nous sommes arrêtés dans la vallée de la Dourbie pour voir passer et encourager les coureurs de l’Endurance Trail à la tombée de la nuit, nos frontales vissées sur la tête. Samedi matin, nous nous rendons au salon pour récupérer notre dossard et nous en profitons pour retrouver de nombreuses connaissances et notamment Guillaume, Valessa et leur adorable Eimi. Nous irons ensemble encourager Romain sur le Marathon des Causses. Ca souffle fort sur le Pouncho d’agast mais la vue sur le Viaduc passant au-dessus de la vallée de Millau est somptueuse et il y a quelque chose de magique à attendre les premiers en regardant les vautours passer au dessus de nos têtes. En plus mon frère finira 12ème, une sacrée perf !
Après une blessure au genou entraînant une prépa avortée au Grand raid des Pyrénées, j’ai préféré ne pas m’aligner sur les France de Gap début octobre. La confiance n’était pas au mieux après une coupure de près de 4 semaines et une reprise en douceur mi-septembre. Travail de rythme, sortie au seuil de 2h30, quelques sorties vélo et reprise légère de PPG. La forme était revenue sur des séances courtes mais le volume était encore faible. Aucune sortie rando-course de 3-4h depuis mi-Juillet. J’abordais donc les Templiers avec beaucoup d’humilité mais aussi avec l’envie de bien faire et de « vivre la course » au plus près de ce qu’elle offre de plus excitant : la bagarre.
2. Le départ
Pierre :
Sur la ligne de départ le plateau est impressionnant, tout le monde est là, une centaine de personnes dans le SAS élite, ça laisse présager du niveau. Le départ est donné à 5h16 sur 2km de route pour rejoindre le village de Carbassas. J’avais prévu de partir prudemment mais au vu de nombre de personne devant je décide de hausser légèrement l’allure. Je suis alors environ en 70ème position à 16km/h. Pour rejoindre ce premier plateau on doit affronter la côte de Carbassas : une côte raide pour 20min d’ascension environ. Je monte en marchant à mon allure et reprend déjà quelques places.
Sur le plateau je décide de ne pas relancer directement afin de respecter ma stratégie maintenant que l’euphorie du départ est passée. J’attends Antoine qui ne devrait pas tarder. Il me rattrape avec une bonne allure et ne voulant pas le freiner, j’emboîte le pas et nous courons sur un bon rythme pendant une 40aine de minute en revenant doucement sur un ou deux coureurs partis un peu vite. Au début de cette première descente on nous annonce à 7min15sec de la tête de course alors que nous courons depuis 1h20 environ sans se mettre dans le rouge mais avec une allure correcte tout de même : C’est parti super vite devant !!
Dès cette première descente Antoine envoie assez fort et nous revenons sur une dizaine de coureurs avant d’arriver au 1er ravito, celui de Peyreleau (km 22) en 1h42 à la 54ème place (la tête en 1h34). Les sensations sont bonnes, je pense avoir bien respecté mon plan et heureusement car le plus dur reste à faire.
Antoine :
Je ne veux pas reproduire l’erreur de ma dernière participation en restant trop longtemps au contact des premiers. Je décide de laisser filer le peloton de favoris dès la première montée de Carbassas. Il vaut mieux attendre et trouver son propre rythme. J’arrive sur la zone de départ excité comme un fou et je retrouve de nombreux coureurs déjà dans leur bulle. Pierre est là aussi et nous finissons ensemble notre échauffement. Dernières accélérations et nous pouvons nous rendre derrière la ligne pour attendre le signal.
Fumigènes, musique…C’est parti à bonne allure à près de 16 km/h. Thomas Lorblanchet, Michel Lanne, Xavier Thevenard mènent déjà la course et imposent le rythme. Je sais que la côte de Carbassas va se monter en courant avec un regroupement d’une trentaine de coureurs sur le plateau pour rejoindre le premier ravitaillement de Peyreleau à 15 km/h. Pour l’avoir déjà vécu, c’est faisable mais ça laisse des traces.
Je décide de marcher rapidement dès le début de la piste en terre. Pierre me rattrape et monte plus vite que moi. Aurélien Collet se met à ma hauteur et nous rejoignons le sommet ensemble. Le problème, c’est qu’arrivés sur le plateau, les écarts sont déjà faits. Je ne connais ni ma place, ni mon retard. Je décide donc de relancer sur le plat. Pierre a ralenti pour m’attendre et nous rejoignons ensemble le premier ravitaillement comme prévu. Près de 1h45 à courir côte à côte sur le plateau du Causse noir. La nuit est bien sombre, le ciel est chargé, juste le faisceau de nos frontales qui fendent l’obscurité, il pleut même quelques gouttes qui nous rafraichissent.
3. Le cœur de la course
Peyreleau- la Roque Saint Marguerite
Pierre :
Ravito éclair pour Antoine et un peu moins éclair pour moi qui m’arrête boire un verre et recharger le bidon. Je repars alors avec Aurélien Collet à une centaine de mètre d’Antoine. Deuxième ascension sur un single en forêt, je recolle Antoine et nous doublons encore quelques coureurs. Ici aussi, très peu de place pour courir, je monte main sur les cuisses et la chaleur se fait déjà bien ressentir à 7h de mat’ ! Arrivé au sommet de cette ascension, il faut relancer tout de suite, je le sais, mais déjà je dois forcer un peu pour revenir sur Antoine qui imprime, ici encore une bonne allure. J’en profite pour bien m’alimenter et discuter un peu avec Aurélien (Collet) et Jonathan (Duhail) qui m’ont l’air bien en forme à ce moment de la course. Ce sera confirmé à l’arrivée avec une très belle 14ème place pour Jonathan et une magnifique 8ème place pour Aurélien qui signent tout les 2 une fin de saison d’enfer !
Arrivé au ravitaillement de St andré de Vezines (Km 34) au bout de 2h46, je suis toujours sur mon timing et Antoine viens de repartir. Je ne le reverrai plus avant un bon moment, il à l’air au TOP, je suis content pour lui, après sa blessure qui l’a empêché de participer au GRP et au championnat de France à GAP, j’espère qu’il va pouvoir se venger ici ! La descente vers la Roque Ste Margueritte est assez technique avec plein de virages bien serrés et des cailloux partout, comme je les aime (vraiment en plus !). Ca me permet de reprendre encore quelques coureurs et je pointe alors vers la 45ème position.
La suite c’est une remontée vers Pierrefiche et son ravitaillement au km 50. Ici la côte est moins raide et moins régulière et j’accuse le coup. Vu mon état de forme je dois m’employer pour rester au contact. J’arrive à maintenir ma place mais sans gloire… je double des coureurs plus cramé que moi et je me fais doubler par les gars encore frais ! J’arrive tant bien que mal au sommet. Je sens que je suis faible et me force à manger mais les gels commencent à me faire mal au ventre, je suis dans le dur depuis 30 min et mentalement je souffre aussi, j’essaie de penser à ceux qui me suivent, à mes potes qui en chie autant que moi (je n’espère pas pour eux..), à ma copine qui m’a offert le dossard ainsi qu’à Antoine parti devant, j’espère qu’il va faire une belle perf !!
Antoine :
Ravitaillement éclair à Peyreleau. Pierre et Aurélien reviennent rapidement sur moi dans la montée et nous montons chacun à notre rythme. Je me place devant et relance pour revenir sur quelques groupes de coureurs. Quelquefois, trop rapidement peut être. J’ai de bonnes jambes. Sur le plateau avant Saint André de Vezinnes (Km 34), Nous nous retrouvons encore tous les trois. Pierre perd quelquefois quelques longueurs pour s’alimenter, Aurélien décide de relancer encore. Je commence à temporiser. Nous arrivons 51 et 52ème au second ravitaillement. De nombreux coureurs s’affairent sur les tables. Je remplis ma gourde et je repars déjà lorsque je vois Pierre qui rentre à son tour. Je suis dans ma course. A ce moment précis, la densité de coureurs est aussi importante que notre retard annoncé sur la tête de course. Nous sommes une quinzaine de gars, mais nous ne sommes pas encore au même rythme. Il y a ceux qui craquent déjà et ceux qui reviennent de l’arrière plus ou moins rapidement. Il suffit de relancer sur le plat pour récupérer des coureurs partis dans le peloton de tête.
Dans la descente, je reviens encore sur plusieurs coureurs et rattrape Benjamin Galland (18ème). C’est la troisième année que je me retrouve avec lui. Il s’approche toujours du top 20. Je sais que nous sommes bien même si nous sommes encore annoncés 34 et 35ème. Je temporise derrière lui pour prendre le temps de bien m’alimenter. Aurélien Collet nous rattrape à son tour. Il a pris du retard au ravito car une bénévole lui a mis de la soupe dans son Camel back. La blague ;-). Il dit se sentir bien et il accélère pour nous doubler. Il ira chercher une superbe 8ème place.
A partir de la traversée de la Dourbie, nous entamons une montée progressive avec de beaux passages bien raides. Il aurait mieux fallu avoir des bâtons pour ne pas trop forcer sur les cuisses. La marche est difficile. Je me sens encore bien, mais je sens que musculairement ça commence à tirer. Le manque de dénivelé et de renforcement musculaire se fait sentir plus que le manque de sorties longues car j’arrive à relancer facilement sur le plat. Nous revenons quand même encore sur des coureurs (stéphane Bégaud, Yannick Pierrat). Le Parisien, Jonathan Duhail nous double avec une belle aisance et je me doute qu’il va bien terminer (14ème).
Dans un passage encore plus pentu, je dois laisser s’échapper Benjamin qui marche plus vite que moi. Je reste seul, m’alimente et marque le coup. J’arrive alors au ravitaillement de Pierre fiche (km 45). Yannick Pierrat est dans mon sillage et je croise Jonathan qui sort déjà du ravitaillement. Je prends la temps de bien m’alimenter, coca, bananes et je repars motivé. Les sensations sont plutôt bonnes même si les jambes semblent de plus en plus lourdes. Julien Navarro m’encourage et me demande comment ça va. J’avoue avoir hésité avant de lui répondre. Ca va ou ça va pas ? euh, je sais pas trop. Je sais que devant ça doit aller encore moins bien pour beaucoup de gars. Faut rester costaud dans la tête. Je sors du village en 31ème position après 4h15’ de course. Je reviens sur Fabien Chartoire qui marche seul dans la forêt. La récup des France de Gap est difficile pour lui aussi. Près d’une demi heure après, trois coureurs me reviennent dessus dont Olivier Leguern et David Gosselin.
Je commence à douter. La route est longue. Km 56 et plus de 5h depuis le départ. Je trouve la nouvelle portion particulièrement pénible. De longues portions en faux plats montants où je n’arrive plus à courir, je marche, la relance est difficile. Les côtes sont casses pattes. Dans la descente roulante, Stéphane Celle et Nuria Picas me doublent rapidement. Je m’écarte pour ne pas les gêner. Il reste seulement 16 kilomètres. Les jambes sont lourdes, je me sens mal. Je commence à sortir de ma course. Alors que je voulais absolument rejoindre l’arrivée, il y a seulement quelques kilomètres, je commence à penser à l’abandon. Je suis fatigué d’avancer. Dès lors, je commence à encourager les coureurs qui passent et j’oscille entre admirer le paysage qui m’entoure et laisser passer les coureurs. La course est terminée pour moi. Je sais que je vais m’arrêter à Massebiau au km 61. Je n’imagine pas faire la côte vers la ferme du Cade. Je vais même mettre près d’une heure pour faire ces 5 km restants.
A ce moment là, je suis déçu de ne pas avoir mieux gérer mais je relativise car j’ai fais la course que je voulais faire. J’ai couru avec des potes même si l’allure était peut être trop rapide par rapport à la forme du jour t j’ai coincé par manque de volume (sorties longues). Pierre me rattrape à son tour. Il encourage la 4ème féminine. Il me motive pour rallier l’arrivée avec lui. Mais cela me semble maintenant impossible. J’ai partagé avec lui de supers moments ce matin, je galère depuis une heure et je connais bien la fin du parcours. Je préfère l’attendre à l’arrivée et ne pas réveiller ma blessure sur cette fin de course. Je pense déjà à la course de la Châtaigne qui est organisée dans mon village natal le dimanche suivant et que je voudrais essayer de remporter (J’y arriverais finalement !!).
Je n’ai pas dit mon dernier mot pour cette grande course des Templiers qui m’anime en tant que trailer durant toute l’année et que je tâcherai de mieux préparer à l’avenir.
Pierre :
Au ravitaillement de Pierrefiche (Km 45) je pointe à la 45ème position et je prends le temps de bien manger du solide (sachant que les gels ne passent plus, je dois faire les réserves !). Je résiste quand même à l’appel du bleu d’Auvergne et me contente de pommes, bananes et coca ! Je repars en trottinant tranquillement pour laisser le temps à mon corps de récupérer en espérant faire un belle fin de course même si je le sais, l’objectif ne sera pas atteint…
Je réalise seulement ici que je suis vraiment mal : mal de tête, vision altérée, mal au ventre… Je me fais reprendre régulièrement mais continue à m’accrocher, ça va revenir… ou pas !! Au 55ème kil, je passe en mode « plaisir » (mode que j’ai tendance à oublier parfois avec mon esprit de compétition). Je marche et trottine par alternance. Vers le 60ème je retrouve Antoine, ça fait 1h qu’il marche. Je suis vraiment déçu pour lui. J’essaie de le motiver à finir avec moi, sans notion de performance mais juste pour profiter de ce parcours magnifique, de cette météo estivale, des rencontres, de cette ambiance de fête et de la dernière course avant 2014 ! Mais il ne peut malheureusement pas avancer plus, rien qu’en marchant, il souffre.
Je repars seul pour cette fin de course et dans la monté du Cade je retrouve une connaissance du Sud Ouest, Nicolas Tabarant, un très bon coureur en montagne sur des format un peu plus court qu’aujourd’hui et qui se trouve en sévère hypo. Je lui file un gel et nous poursuivons jusqu’au prochain et dernier ravito, à la ferme de Cade, où nous nous arrêtons bien 30 min pour profiter enfin du bleu d’Auvergne et recharger les batterie avant de repartir pour les 8 derniers kilomètres !! Nous terminons la course ensemble en marche puis course quand l’envie nous prend. La ligne franchie en 9h50 à la 180ème place…
Sans parler de perf, je ressors satisfait des Templiers. La stratégie était bonne et je n’étais pas en sur régime, c’est des allures que je sais pouvoir tenir, donc pas d’erreur en course à ce niveau. Par contre la forme n’était pas là, je m’en doutais un peu. La saison a été longue pour moi avec beaucoup de bornes en course et à l’entraînement. Mais cette course c’était un bonus, un cadeau et j’en est profité jusqu’au bout ! J’ai découvert une autre façon de courir, en partageant, en profitant des paysages et des rencontres. Une belle façon de terminer ma saison.
Je compte bien revenir sur ces terres, mais cette fois je serai prêt !! Maintenant place au repos et rendez vous en 2014 avec la rage de vaincre !!!!!
Pierre et Antoine