Matthieu Bourguignon victorieux sur les traces des Cathares
Le Grand Raid des Cathares, 175 kms, 7500mD+, jeudi 15 octobre 2015, Carcassonne (11)
par Matthieu BOURGUIGNON, Team Outdoor Paris
- Préambule
Tous les ans, je me fixe un gros objectif. L’an dernier je m’étais aligné sur le GRP 120 où j’avais pris la 3ème place en finissant plutôt en très bonne forme et j’en avais tiré la conclusion que je préférais les distances supérieures à 100km. Cette année j’avais donc décidé histoire d’être sur de vraiment prendre du plaisir avec à minima une nuit complète dehors à la frontale de participer à la première édition du Grand Raid des Cathares.
Pourquoi le choix de cette course ? Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. Tout d’abord comme cité précédemment, j’apprécie particulièrement de passer une nuit en extérieur, si possible seul dans la nature. Ensuite, je me sens vraiment confiant quand à ma capacité à boucler des distances de plus de 150km (de futures courses me feront peut-être douter de cet aspect mais c’est que je ressens actuellement) ce qui n’est pas le cas de tous, autant donc mettre cet avantage de mon côté pour bien figurer au classement. Enfin, dernière raison mais qui n’est pas la moindre, je ne connais absolument pas cette région du territoire et si il y a bien quelque chose qui peut me motiver à choisir un trail plutôt qu’un autre c’est évidement la découverte de paysages jusque là inconnus.
Une des nouveautés de cette année 2015 est que j’ai pour entraîneur le récent champion de France de trail long alias Patrick Bringer. Nous pourrions déblatérer longuement sur le pourquoi le choix d’un entraîneur ou d’un autre, pourquoi en prendre un alors que je m’en sortais plutôt pas mal seul, … Retenons seulement que ça me motive à m’entraîner durement et à réaliser toutes les séances (un peu con le Matthieu mais j’ai trop honte quand je dois squizzer une séance et donc pour ne pas assumer cette honte, et bah je fais la séance…) et que j’ai par contre besoin pour être complètement en confiance de quelqu’un qui montre l’exemple et sais ou a su faire ce qu’il me demande d’exécuter.
Concrètement, ce choix d’être entraîner à distance change considérablement la donne pour moi.
- Je me retrouve à réaliser des séances que je n’aurais pas osé inventer et à boiter régulièrement les lendemains
- Je suis victime d’une double émulation de groupe : entre les résultats des athlètes du TOP et ceux des gars du groupe 2EP, j’ai juste envie de faire aussi bien…
- Je fais bien moins de compétitions ce qui me force à vraiment cibler certaines courses
- Je prends de grosses fessées lors des rassemblements 2ep et il n’y a rien de mieux pour être conscient de son niveau (ceci dit je pourrais me passer de cet aspect sans problème…)
Dans l’ensemble la prépa se passe plutôt bien, aucune blessure à déplorer, un net gain sur les séances de vitesses, quelques sorties plus ou moins longues qui passent sans souci, et surtout une énorme envie d’y être et de m’élancer pour plus de 20h de bonheur.
Soyons honnête, tout n’est cependant pas toujours rose et j’ai la sensation de ne pas avoir assez travaillé le D+, de ne pas avoir fait de gros blocs en montagne comme j’aime réaliser, j’ai peur de ne pas tenir la distance et une relative méforme sur un 55km à J-10 ne me rassure pas vraiment. Mais bon c’est là que la confiance dans l’entrainement est importante, sinon ça ne sert à rien de choisir un coach. Le taf a été bien fait (dixit kinou) et l’énorme quantité (pour moi) de PPG que je me suis enquillé doit remplacer la vraie montagne. Pour le reste, ça reste un ultra et c’est à moi d’être fort dans la tête.
Franchement je ne vois pas comment il est possible de prendre le départ d’un ultra sans avoir de moment de doute quand à sa capacité à réussir celui-ci. Et ce n’est pas les 55% de finishers de moyenne qui prouveront le contraire. Enfin bref, pour résumer tout ça, on a peur mais on y croit, et cette peur est à traduire en excitation pour finalement n’être que bénéfique.
Comme avant chaque ultra, je me fixe 3 objectifs avec différents degrés de difficulté. Le premier reste immuablement de rallier l’arrivée (par mes propres moyens il va sans dire), le second sera ce coup-ci d’être dans le top 8 et le troisième de finir sur la boite. Avec ça, j’ai tout de même une bonne chance de réussir au moins un objectif et d’en tirer une relative satisfaction.
Pour mettre toute les chances de réussite de mon côté, j’ai demandé à un pote de Running Evasion (mon asso de course à pied) de me faire l’assistance. Je me rends donc à Carcassonne accompagné de Benjamin à qui j’espère donner dans l’histoire envie de se lancer à son tour sur de grandes épreuves de fond.
Maintenant que nous en avons fini avec les préliminaires, certainement trop longs pour certains (messieurs ?) et peut-être trop courts pour d’autres (mesdames ?), venons-en à la course….
2. l’avant-course
Nous voilà donc rendus à Carcassonne après un long trajet en voiture et mon occupation principale pour la fin d’après-midi et la soirée du mercredi sera de ne rien faire et de rester allongé. Nous prenons tout de même le temps de bien caler les points où Benjamin pourra me rejoindre, ceux sur lesquels il aura le droit de m’assister (certains points sont autorisés aux accompagnants mais l’assistance y est exclue et je ne veux pas prendre bêtement une pénalité), et surtout le temps que je pense mettre entre chaque point et la quantité de nourriture / boisson qu’il me faudra théoriquement pour couvrir ces intervalles.
Après tout ça, il est temps de faire mon sac avec l’ensemble du matériel obligatoire, de manger et de filer au lit pour essayer de faire une grosse nuit puisque la prochaine sera pour nous deux blanche.
Le matin, après un déjeuner rapide, je file au retrait des dossards avant de manger un dernier vrai repas et de retourner m’allonger près de la ligne de départ. Le temps est au beau pas trop frais et je décide de rester en tee-shirt manches courtes et short, je mettrais ensuite la veste étanche et les gants pour passer la nuit au chaud car on nous annonce 5° et du vent. Sur la ligne, le speaker cite quelques noms de favoris et de coureurs locaux et leur laisse le micro mais ne parle absolument pas de moi ce qui me convient parfaitement.
3. La course
Le départ est donné à 15h juste devant la cité médiévale et je me retrouve seul en tête au bout de 100m, le peloton va me laisser comme ça seul devant pendant encore 400m, le temps d’être sur que l’on me repère bien sur les photos puis tout le monde se regroupe. Il y a 6km roulants à parcourir avant le premier pointage et nous progressons tous ensembles, la route est encore très très longue et tout le monde reste calme en me laissant mener sur un rythme vraiment tranquille.
Jusqu’au 2ème ravitaillement, le parcours devient plus cassant. Pas de grosse côte mais beaucoup de petits raidillons de 10 à 50m de D+ biens pentus qui cassent un peu les jambes surtout que pour le moment il n’est pas trop question de marcher. Je me détache rapidement avec un autre coureur, Pierre Saucy, et nous discutons en avançant. Il vient de gagner le GRP 120 et dans ma tête il devrait être un concurrent sérieux au podium. Je suis en tout cas bien dans mon rythme et ne force pas dans les côtes, Pierre me prends régulièrement quelques mètres mais je recolle aisément dans les descentes.
Nous pointons tous les deux à ce ravitaillement ensembles avec 3’ d’avance sur un groupe de 5 coureurs. J’y retrouve Benjamin qui profite du décor et lui dit que pour le moment c’est super cool (encore heureux me direz-vous mais 18km et 850m de D+ peuvent suffirent pour savoir que c’est un mauvais jour), pose pour une photo et repars en attendant Pierre qui dit bonjour à des amis.
Sur la portion suivante, je trouve que Pierre va un peu vite dans les pentes raides et le laisse sortir de mon champ de vision en gardant vraiment en tête l’idée de ne pas forcer du tout à cet instant. Et j’ai raison de garder mon rythme puisque je le reprends quelques kilomètres plus loin, je blague un coup en lui disant qu’il s’est pris pour un junior, il me laisse passer puis perd à son tour quelques longueurs. Nous passons le ravitaillement suivant dans la même minute avec un groupe qui nous suit à maintenant 5’.
Il est temps de se diriger vers la base vie du 57ème kilomètre, 20kms sans croiser personne. Je distance un peu Pierre qui préfère lever un peu le pied avant de le voir revenir sur moi accompagné à ma grande surprise d’un troisième coureur. C’est assez clair, ils grimpent bien plus vite que moi quand c’est raide. Nous basculons dans la grande descente qui doit nous amener à la base vie et Pierre perd à nouveau du terrain ce qui ne me surprends pas car il m’a annoncé être bon grimpeur mais piètre descendeur. Par contre c’est le troisième coureur, Stéphane Rigoulet qui me rejoins, il me demande comment se passe mon footing, nous faisons quelques centaines de mètres ensembles et… plus de rubalise !!!
Bon, ne nous énervons pas, on s’arrête, je sors tranquillement ma frontale car le nuit est maintenant tombée, et nous repartons en sens inverse en ronchonnant un peu. 300m plus loin, nous retrouvons le tracé et Stéphane me dépose me laissant seul dans la nuit. Je suis un peu surpris de voir à quelle allure sa frontale disparaît de ma vue et me dis que c’est un peu suicidaire de descendre à cette allure quand il reste 130km à faire mais bon, chacun ses délires.
Juste avant la base vie, je reprends Pierre qui galère un peu dans les cailloux et racines recouverts de feuilles sur lesquels nous descendons, il me fait rire en me disant « Je t’ai dit que j’étais mauvais en descente, et bien ça c’est le jour. La nuit c’est bien pire !!! » Nous arrivons finalement tous les 3 en moins d’1 minute sur la base vie du château d’Arques. L’endroit est magique avec seul le château qui est illuminé dans cette nuit sans lune. Nous avons tout de même fait ces 48km et 2200m+ en 5h12’ et la moyenne va forcément baisser avec la fatigue et la nuit.
Je retrouve Benjamin qui m’a préparé une chaise et je vois sur la table mes gels, un tee-shirt sec, mes manchons, un buff, le tout bien rangé (oui je ne l’ai pas encore dit mais Benjamin est maniaque et ça se voit même ici…). Je reste assis à peine 5 minutes le temps de boire 3 verres de coca et d’enfiler la veste étanche et je repars. C’est là qu’une assistance personnelle fait toute la différence car je vois mes acolytes chercher leur sac de délestages, rester debout, etc alors que moi j’ai juste pensé à sortir les gants et la veste avant de repartir avec les bidons pleins et recharger en gels et barres. En parlant de gants, à peine parti que j’entends Benjamin me héler que je les ai oublié sur la table et le voila qui me les amène juste au niveau du pointage de sortie.
Je suis content de repartir seul, en forme, et je mesure déjà un peu les écarts en croisant le 4ème et le 5ème qui arrivent tout juste sur l’aire de ravitaillement. Il fait maintenant nuit noire et je me retourne mais ne voit personne qui me suit. C’est enfin le moment que j’attendais, quel bonheur, je me retrouve seul dans la nuit en pleine nature. Ce sont vraiment ces passages où je prends le plus de plaisir en ultra, on gère son allure, on écoute la nature, on voit bien les balises dans le noir (quand il n’y a pas trop de brouillard), on matte un peu les étoiles, et on ne voit pas le temps passer.
Je fais donc cavalier seul et ne pense qu’à garder mon rythme. Pour le moment je m’oblige la course tant que ça ne monte pas trop raide, que c’est plat ou que ça descend. Je m’attends à voir un concurrent revenir tant je suis « facile » pour le moment mais rien. J’apprendrais par Benjamin qu’ils ne sont ressortis qu’avec respectivement 1’45 (Stéphane) et 6’30 (Pierre) de retard mais personne ne me rattrape.
Au CP6 au château Peyrepertuse (la photo est de jour mais on y passe la nuit), alors que je viens de grimper presque 200m de D+ en posant les mains au sol, Benjamin m’annonce avec presque 10’ d’avance (au CP5). Je m’arête à peine 3’ mais je tremble de froid et je repars donc très vite. C’est le premier coup de moins bien relatif de la course pour moi et je marche 15’ sur le faux plat montant qui suit avant de retrouver de bonnes sensations. Certainement la pente très raide et le coup de froid mais rien de grave car ensuite les sensations sont à nouveau excellentes et j’ai le sentiment de vraiment bien courir.
Au point suivant, mon rituel reste le même, Benjamin a tout bien rangé, je prends ce qu’il me faut en nourriture en buvant 3 verres de coca et je repars avec les bidons pleins. Les bénévoles m’annoncent 25’ d’avance au pointage précédent mais Benji qui doit fatiguer un peu me dit de ne pas les écouter et que j’ai à peine 10’ !!! Petite note sympa, les bénévoles avaient demandé à Benjamin ce que j’aimais comme musique et ma courte pause se fait au rythme d’un bon vieux Bob Marley.
Bon je suis dans une bonne phase et je viens d’appuyer un peu sur la portion précédente mais j’ai maintenant envie de creuser un vrai écart pour être serein. Je passe les 500m de D+ suivants en courant car ils ne sont pas très raide, relance fort dans la descente et… me retrouve scotché sur la fin de la montée vers Bugarach. J’ai l’impression d’être face à un mur, je grimpe dans les cailloux en posant les mains régulièrement et surtout, le brouillard s’est levé et je ne vois plus de balisage. En plus il fait vraiment froid et le vent souffle en rafale, me faisant par deux fois perdre l’équilibre malgré mon gabarit qui est loin d’être svelte. Quand je pense qu’en 2012 une bande d’allumé venait des quatre coins du monde en croyant que c’est le seul endroit où ils pourraient échapper à l’apocalypse grâce à une soucoupe volante qui viendrait les chercher, et bah moi c’est tout l’inverse, tout allait bien et en montant j’ai l’impression de vivre cette fin du monde.
J’ai un court moment de panique puis me ressaisi très vite, j’ai le tracé dans ma montre et j’active donc le suivi d’itinéraire, j’avance tout doucement, m’arrêtant tous les dix mètres pour attendre de voir si j’arrive à faire briller une balise dans le brouillard et je finis par trouver le tracé sans trop me perdre. Quel plaisir quand je sens que je commence à descendre et que le brouillard se fait moins épais. La température remonte aussitôt et malgré 2 petites chutes sur les fesses tout va bien. J’ai juste peur d’avoir perdu toute mon avance dans ce passage mais je me dis qu’il n’y a pas de raison que les autres passent beaucoup plus vite.
Lorsque j’arrive au CP suivant à Sougraigne, je suis bien content de retrouver mon assistant de choc, ça fait presque 4h que je n’ai vu personne, mes bidons sont vides, et j’ai envie de connaître les écarts.
Ici Benjamin m’annonce 1h d’avance au point précédent, un calcul rapide en me disant que j’ai du perdre du temps dans Bugarach, ok, il me faut encore gratter un peu pour pouvoir contrôler ensuite la course. Par contre une bénévole me dit « c’est chouette hein, d’ici on voit les lumières des suivants qui descendent ». Le truc qui fait que je ne comprends plus rien. Ils ont donc repris énormément de temps, il ne faut pas trainer.
Je repars de ce ravitaillement en pleine forme, je ne sais pas trop pourquoi mais les jambes tournent super bien. 12kms me séparent d’Arques et je décide d’appuyer sur cette partie pour me mettre complètement à l’abri, surtout si c’est bien revenu. J’analyse que je viens de boire 3 grands verres de jus de fruits au lieu du coca et que j’ai mangé une pate de fruit et me dis que je vais refaire ça au prochain point dès fois que ce soit sans le savoir un mélange parfait (bah oui tu sais le mélange hyper compliquer à inventer auquel personne n’aurait jamais pensé).
J’arrive tout content à Arques, ravitaillement à coup de vermicelle et de coca (et oui, j’ai déjà oublié la stratégie alimentaire de la mort réfléchie 1h avant…), demande les écarts et mon assistant tueur m’annonce qu’en fait personne n’a encore pointé et qu’il n’a donc pas d’écarts. Mon esprit fulgurant après 16h de course analyse juste que plus de 12 km d’avance c’est déjà pas mal et qu’en gérant ça doit pouvoir le faire. C’est la première fois ou je pense vraiment à la victoire et j’annonce à Benjamin que je vais gérer la prochaine portion car je viens de taper un peu dans les réserves.
La montée suivante bien que peu raide se fera donc intégralement en marchant. En marchant vite mais en marchant. Le temps de calculer toutes les possibilités qui s’offrent à moi. « Bon ok j’avais 1h02 d’avance il y a 2 pointages et j’ai speedé après, je pense avoir gagné au moins 15’ donc en partant du postulat que maintenant je glande mais que je devrais avoir minimum 1h17 à Arques, il me reste 55 km à gérer. Si sur cette portion je perds 15’ puis que je maintiens les 2 portions suivantes, il me restera 1h pour 30km ce qui sans grosse défaillance devrait suffire. Mais si en fait ils sont revenus bien plus près, il va falloir relancer. Bon ok je dois pouvoir mais alors il ne faut pas que je perde plus de …. »
Et tout ça pendant 1h, on s’occupe comme on peut et le calcul se fait dans ces moments là bien moins vite qu’on le voudrait. Ajoutez à ça l’idée qu’il faut le refaire plusieurs fois pour être sur du résultat… Me voilà donc 13kmk plus loin à retrouver Benjamin. Il a lui les vraies données et me dis qu’à Arques j’avais en fait 1h47’ d’avance !!! On enlève la veste étanche et les gants, une poignée de M&Ms et on repart.
« Bon puisqu’en fait j’avais 1h47 mais que j’ai glandé, il doit me rester 1h30. Donc il faut que je…….. » Et hop 10km de plus de faits avec juste un petit moment ou je sors de mes calculs car j’ai analysé une bosselette sur le profil et qu’au bout de 10’ à morfler en côte je me demande qui est le *** qui a tracé ce gpx.
Au point suivant, pas plus d’écart, il reste 35kms à faire et j’en ai plus de 10 d’avance. Tout va bien. Je profite des paysages et pense toujours à bien m’alimenter, bien boire, continuer à courir le plus possible mais sans chercher à forcer. Je pense de plus en plus que je vais en gagner un au moins une fois dans ma vie. Du coup ce n’est que du bonheur. Une longue descente de 5km sur piste blanche me fait sentir que tout de même, 145km ça use un peu les genoux et qu’ils se seraient bien passés de courir ici mais c’est hors de question. Ultra ou pas, pour moi ça reste une course et donc quand on peut on court. Ce qui signifie que tout ce qui est plat ou descente doit se faire à minima en trottinant faute de perdre énormément de temps.
Quand je passe à Villefloure, le suivant a plus de 13 ou 14km de retard. En plus Benji me dit que sur la partie que j’ai fait en mode récupération le suivant ne m’a absolument rien repris. Sauf problème la course est gagnée et je m’accorde quelques minutes dans une chaise longue au soleil à discuter avec les bénévoles.
Il fait beau, un peu de stress car le balisage est vraiment peu présent sur cette fin de parcours et que je n’ai pas du tout envie de me rater mais je suis tranquille et je profite. Les jambes tirent un peu mais rien de méchant et je ne me sens absolument pas dans le dur niveau énergétique. J’en profite pour passer un coup de fil à mon entraineur qui a suivi depuis internet et lui dire « Kinou, c’est Matthieu, je vais gagner un ultra !!! » et lui de répondre « Super Mat, c’est ou derrière toi, bon ok mais te relâche pas, reste concentré ». C’est vrai que ça serait con de se péter une jambe maintenant mais dans ma tête il ne peut rien m’arriver, je kiff juste le moment. J’arrive encore à courir quand je le souhaite sans être à l’agonie.
A 9km de l’arrivée, je suis vraiment en mode promeneur mais les écarts continuent de grandir. Par contre un ultime défi vient me motiver : Finir en moins de 24h. Il va donc falloir relancer un peu. Je maudis les bénévoles qui m’ont donné cette idée en me disant que ça descendait. Ca descend, certes, mais avec des petites bossent super raides de 5 ou 6 mètres disséminées avec parcimonie sur les premiers kms de cette dernière étape.
Enfin je vois la cité, je reconnais les premiers 500m faits hier que nous parcourons aujourd’hui en sens inverse. L’organisateur vient à ma rencontre en VTT et à 100m de la ligne, il m’annonce qu’il faut faire un tour de la cité médiévale !!! Le truc qui te défonce mentalement quand tu ne t’y attends pas. Heureusement Benjamin a le droit de m’accompagner sur ce dernier kilomètre et c’est avec un immense bonheur que je passe enfin la ligne au bout de 23h45’40s sous les flashs des photos de touristes japonais venus visiter Carcassonne qui n’ont aucune idée de qui je suis mais qui me photographient tout de même puisque les gens m’applaudissent…
Je l’ai fait !!! J’ai gagné un Ultra !!!
J’ai vraiment pris du plaisir tout le long de ces 175km. Quand tout se passe bien, que le corps et le cerveau sont ok pour bosser ensembles, que pour une fois je ne prends pas la pluie pendant une grosse partie de la course, et que la sensation d’effort est tout de même fortement atténuée par le fait de savoir qu’on va gagner son premier ultra, on peut reprendre la célèbre phrase « Plus c’est long, plus c’est bon ».
Ligne franchie, on se dit que tout est fini. Mais non, il est temps de poser pour quelques photos avec les organisateurs, de répondre aux sollicitations du speaker et de la presse locale, mais bon cela reste un moment du plaisir intense et la fatigue accumulée ne prend pas encore le dessus sur l’euphorie présente.
4. L’après-course
Rapidement, un drôle de monsieur (adorable soit dit en passant) me glisse à l’oreille « Je ne vous quitte pas des yeux ». Je le regarde interrogatif et il m’explique qu’il est chargé de me surveiller jusqu’à la fin de mon contrôle anti-dopage. Bon bah ok, on y va alors. Celui-ci a lieu dans la salle où nous avons retiré les dossards, et c’est dans cette salle que se trouvent également la buvette et les masseurs. Le médecin en charge du contrôle m’encourage à boire une bière, ou deux, pour aider au prélèvement (vous savez moi, si en plus ça va dans le sens de la médecine, je ne vais pas me faire prier).
Bref, on profite et je traine la fin d’après midi à trinquer avec tous ceux qui le souhaitent, suffisamment trinquer pour repartir sans mes chaussures, chose que je ne réaliserais que le lendemain… Chaussures que je n’ai à ce jour pas retrouvées malgré les recherches et les annonces micro. Je reste stupéfait qu’un fétichiste quelconque puisse être adepte des chaussures fragrance « poney mort » mais la race humaine est surprenante par sa diversité.
Le samedi, une visite de la cité médiévale s’impose, à ma grande surprise pas de courbatures, pas de douleurs, Kinou que j’ai maudit à chaque boiterie post séance de PPG vient de quitter le côté obscur de la force pour redevenir un valeureux Jedi dans mon esprit. J’ai presque envie de courir à nouveau mais la sagesse m’impose un repos pour que le corps récupère. Autre occupation de la journée, lire tous les sms de la famille, des amis, de la chérie, et les encouragements des copains du TEAM OUTDOOR qui ont tout suivi de près.
Samedi soir, après la remise des prix, soirée médiévale à Carcassonne, ambiance Kaamelott en fait, on dance, on gueule des chansons paillardes, on boit, on attaque à 200 des « c’est à bâbord…. » en tapant sur les tables, et… on oublie ses bonnes résolutions de bien récupérer pour finalement se retrouver à dé-baliser de nuit une portion du parcours qui en plus avait déjà été dé-balisée… Bref une sortie à la frontale de 21km pour 600m+ durant laquelle on se perd complètement puisque le tracé n’est plus tracé mais on est juste content d’être content.
Le dimanche, après une énorme nuit de presque 3h, et après avoir fait 3 fois le tour de l’abbaye avant de trouver notre chambre (on est plus à ça près), il est temps de remonter sur Paris avec une seule question en tête :