Matt fait briller les couleurs de TO sur le Tour des Cirques (GRP)

Tour des Cirques (course du GRP), 120 kils, 7000m D+, vendredi 22 aout 2014, Vieille Aure (64)

par Matthieu BOURGUIGNON – Team Outdoor Paris – LAFUMA


paysage


J’avais prévu depuis un bon moment de revenir faire un tour dans ces montagnes qui nous séparent de nos voisins ibériques
et cette nouvelle épreuve du Tour des Cirque représentait donc une occasion parfaite.
Le GRP est une course un peu particulière pour moi puisque c’est ici, sur le 80km, que j’ai effectué mes premiers pas dans le monde de l’ultra en 2011 et que c’est ce 80km qui m’a donné l’envie de m’attaquer à des distances de plus de 100km.

Toujours est-il qu’en cette fin de mois d’août 2014, me voilà rendu à Vielle Aure pour tester ce nouveau tracé. C’est ne nous en cachons pas l’objectif de l’année. N’ayant pas eu autant que les années précédentes l’occasion de faire des we bloc en montagne, j’ai participé dans le mois de juillet à 2 trail de 60km et 5000D+, la Montagn’hard où je finis 3ème et le Tour des Fizs sur lequel je me suis plus mis en mode sortie longue pour garder un maximum de jus. J’espère que c’est 2 trails vont m’avoir préparé suffisamment  pour affronter ces 120km qui m’attendent dans de bonnes conditions et en jouant tout de même la tête de course.

denivelé

Arrivé sur place le mercredi en compagnie de mon collègue du team Antoine et de sa petite famille, j’ai juste le temps de me dégotter un logement pour la nuit et de parler une fois n’est pas coutume de trail et de stratégie de course… Le lendemain sera consacré au retrait des dossards et au repos car si il y a bien une règle à respecter dès lors que l’on s’attaque à des distances relativement longues, c’est d’arriver le plus reposé possible. Pour ce qui concerne le logement, j’avais eu la chance de croiser Sonia au moment du raid 28 en janvier et elle m’avait proposé de m’héberger dans la maison qu’elle louait à l’occasion du GRP. J’ai sans hésité profité de cette occasion et je bénéficie donc d’une chambre à 200m de la ligne d’arrivée et bien au calme avec en prime une Sonia qui va sa comporter en vraie maman pour moi en me proposant en plus du gîte le couvert !!!

C’est donc bien reposé que je me lève le vendredi matin afin de prendre la direction des navettes de l’organisation qui doivent nous amener au départ de la course. En effet, à l’inverse du 80 et du 160 qui partent et arrivent à Vielle Aure, le 120km part de la station de Piau à quelques kilomètres de là. Une petite heure de route plus tard, je patiente au milieu de 500 autres traileurs dans un grand hall juste à côté du départ. J’ai trouvé un petit coin pour m’allonger et je vais rester posé là les yeux fermés pendant quasiment 1 heure en attendant qu’on nous demande de nous regrouper sous l’arche de départ.

piau 0129h00, le départ est donné et pour le moment (ça ne va pas durer longtemps), le ciel est plutôt clément. Le tout début de course est légèrement en descente et ça part très vite à l’avant mais je ne m’affole pas. Il y a tout d’abord une boucle de prévue de 9km pour 750m de D+ et 750m de D- autour de Piau histoire d’étirer un pu le peloton. Dans ce début de course, j’ai le plaisir de croiser Christophe, un traileur avec qui j’avais fait les 40 derniers km du 80 il y a 3 ans. Le temps de prendre quelques nouvelles et déjà la course est lancée, chacun cherchant à trouver sa place et ceux venus jouer les premiers rôles commençant à pointer le bout de leurs bâtons.  Dès la fin de ce tour de chauffe, nous sommes 3 à avoir pris un peu le large dont le futur vainqueur.
 

Cette première boucle nous mène sur le premier ravitaillement mais pour ma part, j’ai encore les bidons quasi pleins et j’ai de quoi me nourrir jusqu’à la base vie du 76ème KM où des affaires de rechanges ainsi que de nouveaux gels m’attendent dans le sac transporté par l’organisation. Il n’y a donc pas de raison de faire un arrêt mais on repère déjà ceux qui comme moi sont en autonomie et ceux qui ont une assistance. Nous voilà repartis pour une deuxième grimpette d’environ 750m de D+ sur 6km qui seront suivis par la première difficulté de la course : 1600m de dénivelé négatif sur une dizaine de kilomètres. Ici, il faut gérer, ne pas trop trainer mais surtout ne pas se cramer les cuisses non plus sous peine de subir pendant tout le reste de la course et certainement de ne pas voir le bout du tracé.

piau 026C’est durant cette descente que les 2 premiers vont créer un premier trou que nous ne boucheront plus jamais. De mon côté, je fais course commune avec un gars du coin qui connait le tracé et me laisse guider sans trop réfléchir. C’est sur ce passage qu’il a commencé à pleuvoir et je vais enfiler la veste étanche que je ne quitterai plus jusqu’à l’arrivée. Arrivé au ravitaillement de Gèdre, l’organisation m’équipe d’une balise gps ce qui va pouvoir leur permettre de suivre la tête de course. Je ne sais pas si c’est l’effet gps ou les énormes 200g que celui-ci représente mais en tout cas, dès la sortie du ravito, je n’ai plus de jus. J’ai beau être habitué à ces situations, savoir qu’il faut être patient, que ça va revenir, que la course est longue, il y a 3km de côte à plus de 20% à se taper et je suis mort… En gros à ce moment je me dis que si j’arrive à atteindre le km 50 et la sortie de Gavarnie pour pouvoir abandonner ça sera déjà beau.

Pour ne pas me laisser trop envahir par ces pensées super positives, je fais ce que je fais le mieux dans ces moments là, j’avance doucement en attendant qu’on me rattrape tout en grignotant et en buvant. Nous avions du créer un bel écart dès le début de course car j’ai l’impression qu’il faut une éternité avant que les premiers poursuivants ne me rattrapent et ne me laissent sur place. C’est immédiatement après m’être fait déposer que le miracle se produit. Une violente averse bien glacée nous tombe dessus et me met un bon coup de fouet, en plus de ça, nous arrivons au bout de ces kilomètres très raides et les 2 coureurs qui viennent de passer sont obligés de stopper pour enfiler leur veste imperméable.

J’en profite pour recoller et je ne les quitterai plus pendant les 15 kilomètres qui vont suivre, tantôt devant, tantôt derrière mais nous restons ensemble et c’est en groupe que nous allons basculer dans Gavarnie. Au km 41, au Refuge d’Espuguettes, qui marque à peu près l’apparition du brouillard et du coup le dernier moment de la course où la visibilité sera de plus de 50m, je fais une pause pour profiter d’un bol de soupe chaude. Cet arrêt marquera la fin de notre trio puisqu’un de mes deux comparses ne va pas stopper au refuge et partira seul devant. Notre passage dans le Cirque de Gavarnie qui est pourtant parait-il magnifique de résume à un AR par une large piste 4×4 jusqu’à la « maison du parc ». Bon pour être honnête, je découvre que nous avons cet AR à faire au moment où je croise le deuxième de la course qui arrive en sens inverse et que je lui demande ce qu’il fait dans ce sens là. Cette piste est à peu près tout ce que je verrais de Gavarnie tant il pleut et tant il y a de brouillard.

piau 037Par contre, si le temps ne s’améliore pas, c’est tout le contraire pour ce qui est de mes sensations. C’est à partir de ce moment que je vais commencer à me sentir à nouveau bien, une forme retrouvée qui ne me quittera plus des 70 derniers kilomètres. Je repasse devant les 2 coureurs avec qui j’avais fait un bout de route et me décide à accélérer un peu l’allure pour pourquoi pas tenter de rattraper la tête de course si certains connaissaient un coup de moins bien. Surtout qu’à la sortie du cirque, un gamin sur le bord de la route m’annonce le 3ème à 4’ (j’apprendrais via les pointages que c’était plutôt 12…), avec la forme du moment je pense naïvement que je vais très vite le reprendre.

Que nenni, je vais effectivement rejoindre le fuyard mais il va me falloir 20km pour ça et je n’y pensais même plus quand je l’ai vu d’un seul coup devant moi. Au passage, je regarde le gps et je suis plutôt content de voir que je passe au 60ème km avec 3600D+ en 8h05, le tempo est bon malgré la baisse de régime du début de course. En tout cas, il n’y a pas à dire, un podium ça motive et maintenant que j’ai repris cette troisième place il est hors de question de la céder à nouveau surtout que généralement je gère bien les fins de longues courses et la nuit. J’attends maintenant d’arriver à la base vie d’Esquièze qui aurait due se trouver au 75ème. Je dis bien aurait due car en fait, celle-ci n’apparaîtra qu’après avoir parcouru 79km et surtout au bout d’un interminable faux-plat montant tout en bitume qui m’aura fait maudire l’organisation.

Arv PV 0022Ici, je prends une pause d’une dizaine de minutes, le temps d’avaler 2 bols de soupe, de vider le sac des détritus de la première parte de course, de refaire le plein de gels. Par contre, je décide de ne pas me changer, j’avais pris au cas ou un short, un ts, des chaussettes de rechange mais je n’ai pas froid et il pleut toujours, il n’y a donc aucun intérêt à mettre des habits secs qui seront mouillés 10’ plus tard. Je m’équipe également de ma frontale car d’ici 15’ il va faire nuit. Je repars de cette base vie en forme et prêt à affronter la fin de parcours. On m’a annoncé le deuxième à 50’ et au moment ou je repars, le quatrième n’est toujours pas arrivé. J’estime donc mon avance à un minimum de 10’ ce qui doit me permettre de gérer un minimum.

Arv PV 0033J’adore normalement toutes ces parties de nuit, seul dans la montagne et le GRP est particulièrement bien balisé mais ce que je n’avais prévu, c’est ce brouillard de plus en plus épais qui va rendre la progression vraiment compliquée. Par moment la visibilité est réduite à 5 ou 6 m avec la nuit et ce brouillard et lorsque je mets la lampe au maximum, je n’obtiens qu’un plus gros halo lumineux juste devant moi. Je n’arrive pas à voir où je pose mes pieds et la direction à suivre en même temps et suis obligé de régulièrement m’arrêter pour analyser la trajectoire à suivre. Dans ces conditions, connaître le tracé doit être un réel atout et je m’inquiète d’être rejoint. Pour autant, la forme est toujours présente et j’avale en trottinant toutes les portions pas trop raides qui se présentent à moi jusqu’au ravitaillement de Tournaboup.

A partir de ce ravitaillement, je considère la course comme « finie » et je sais que j’irais au bout sans trop de souci car c’est la seule partie du parcours que je connais plus ou moins. Et bien j’aurais du me méfier d’avantage de cette portion que je croyais maîtriser car j’ai réussi dans ce brouillard à faire demi tour sans même m’en rendre compte. Je n’ai réalisé mon erreur que grâce à un panneau de randonnée indiquant dans la direction opposée à la mienne la cabane d’Aygues Cluses vers laquelle j’étais censé me diriger. C’est vrai qu’à ce moment là je commençais à me douter qu’un truc n’allait pas car je n’étais pas censé descendre et je trouvais complètement idiot le baliseur qui s’était amusé à systématiquement attacher les balises du mauvais côté des arbres et des rochers… L’analyse du gps me montrera que je n’ai fait qu’un petit tour de 15’ gratuites en repassant 3 fois au même endroit sans même m’en apercevoir.

Arv PV 034La grimpette vers la Hourquette Nère sera tout de même un peu raide pour les jambes mais passera sans trop de difficultés. Encore une fois, il paraît que la vue est splendide de là-haut mais de nuit et dans le brouillard j’ai eu du mal à vraiment profiter de tout ça. Je n’ai pas vu l’ombre d’un lac sur la partie suivante vers le restaurant Merlans non plus alors que nous étions sensés passer juste à côté. Enfin bon, toujours en aveugle, les kilomètres passent et me voilà rendu au col du Portet, à partir de ce col, c’est simple, il n’y a plus qu’à descendre jusqu’à Vielle Aure.

Et bien simple n’est pas exactement le mot que j’aurais choisi car devinez ce que nous trouvons à ce col… DU BROUILLARD, un p….n de brouillard à couper au couteau. Du coup, la descente par la piste rouge est une vraie galère, au lieu de tirer tout droit, ces organisateurs sadiques ont posé tantôt une balise à gauche, tantôt une balise à droite de la piste. Et bah du coup le Matthieu, de peur de sortir du tracé, il fait des traversées de piste de 30m pour aller d’une balise à l’autre. Et le mieux c’est que même comme ça, il arrive à se rater et à devoir remonter des petites portions de pistes à 2 reprises jusqu’au moment ou il reconnait enfin en bas un grand parking lumineux où il est certain de devoir passer. Du coup, il vise droit sur le parking et 4 ou 5 chutes plus bas il retrouve les balises qui vont le guider jusqu’à l’arrivée.

10635863_527741903992978_7466522058470482804_nEn plus, pendant toute cette partie de la descente, je ne peux m’empêcher de guetter derrière moi de peur qu’un fourbe ne vienne me piquer cette place que je convoite sur le podium. Je ne découvrirais que sur le classement qu’en fait le 4ème est à quasiment 2 heures derrières et que donc je n’avais pas vraiment à m’inquiéter de garder des forces pour le sprint final. De fil en aiguille, j’aperçois enfin les lumières de la ville et j’ai le plaisir de partager quelques centaines de mètres avec Antoine qui est venu à ma rencontre en se préparant pour le départ de son 80 qui aura lieu dans 1 heure.
Le dernier km n’est qu’une formalité et je passe enfin la ligne à 4h11 du matin après 19h11 de course.
 
Une rapide interview toujours sous la pluie, un lavage de jambes dans la fontaine avant d’aller me faire masser un ptit coup par principe et je file prendre une douche et me coucher pour essayer de dormir un peu ce qui ne sera pas chose facile. La récupération se fera sur la journée du samedi en suivant comme je le peux (donc en boitant un minimum) le 80km, avant la remise des prix qui aura, elle, lieue le dimanche.

10407018_527779740655861_2156571757137834900_nBien content de n’être pas passé à côté de mon objectif de la saison et toujours la même énorme envie de remettre ça l’année prochaine même si je ne sais pas encore sur quelle course je jetterai mon dévolu. Pour couronner le tout, outre le plaisir d’inscrire mon nom dans le podium scratch de cette première édition,  la remise des prix se fera sous un grand soleil qui se reflète plutôt bien sur le TS jaune porté pour l’occasion(merci pour tout Agnès), avec une grande bière pas trop loin (merci Leffe), et en présence ce nombreux amis qui ont pour certains bouclé la distance adulte (160km, bravo Pierre) et pour d’autres ont eu plus de difficultés mais  sont restés participer à la fête en sachant que la roue tourne.

RESULTATS

1. Buffard Sébastien – 17:22:55
2. Martin Jocelyn – 18:04:31
3. Bourguignon Matthieu –  Team Outdoor Paris – Lafuma – 19:11:16
4. Elias Thiago – 21:09:37
5. Le Guevel Jerome – 21:35:11
6. Seillan Bernard – 21:45:57
7. Marolleau Damien -21:47:11
8. Buckman Franck – 22:28:46
9. Raffel Christophe – Cosatrail Toulousain – 22:30:23
10. Sauret Hugues – 22:35:06