Le Cross de la Vilette, Amnesty International
Dimanche 17 novembre, Paris 19ème
par David MATHIEU et Anne MATHIEU, Team Outdoor Paris
-EPISODE 1-
DAVID : J’aime retourner courir chaque automne le cross d’Amnesty International dans le dix-neuvième arrondissement. Il y a plusieurs raisons à ça: D’abord c’est une course sympathique, sans prétention; une course de village, de quartier, même si ce quartier représente la sixième ville de France, devant Lille et Bordeaux. C’est une courte distance; 8km ça va vite et ça me change des épreuves interminables auxquelles je participe souvent. Je serai au moins finisher et dans un bien meilleur état que si j’avais dû faire 80km en montagne. C’est une course à domicile, sur mon terrain d’entrainement, dans le parc des Buttes Chaumont. Je suis le taulier du parcours et je ne voudrais pas qu’on y courre sans moi. et puis courir pour Amnesty, c’est aussi l’occasion de donner quelques euros et sa signature pour signifier que les droits de l’Homme ont un sens et qu’on voudrait que cesse l’oppression des hommes et des femmes partout où elle s’exerce.
ANNE : je me méfie des courses sur lesquelles David veut m’emmener courir, elles sont trop longues, trop loin, trop tôt ou trop chères. Cette course là rentrait dans toute les cases, nous n’avions aucun engagement la veille et les inscriptions se faisaient sur place le jour de la course, je me suis laissée convaincre.
– EPISODE 2 –
DAVID : Il fait un froid de canard ce matin mais en courant de la maison à la Villette ça me laisse 4km pour m’échauffer. Cette année la course n’a pas lieu dans les Buttes Chaumont. Avec les travaux qu’il y a dans le parc cette année, les barrières et les tranchées, le cross eut été transformé en steeple chase. La Villette donc; c’est aussi « chez moi » mais ça manque de côte. Courir à fond sur du plat comme sur une piste d’athlétisme ce n’est pas vraiment ma spécialité. J’aime bien quand ça grimpe et que ça casse les pattes des trop bons coureurs; ça me laisse un peu de chance. Pour le coup, c’est fichu. Les quatre kilomètres d’échauffement sont à peine suffisants, j’ai encore les muscles froids quand nous atteignons le parc. Ma sœur nous attend devant la cité de la musique. J’ai réussi à la convaincre de s’inscrire sur sa première course.
ANNE : j’accepte de suivre David pour un échauffement presqu’aussi long que la course. Là; cela ne sert à rien. Le temps de s’inscrire et d’attendre le départ on se sera refroidi. C’est un peu ridicule de partir aussi tôt pour une course dont le départ est prévu à 10h00 mais tant pis. De toute façon, on ira toujours plus vite en trottinant qu’en prenant les transports en commun. Il fait froid, j’ai enfilé trois couches successives, un bonnet rose odlo et des gants. On atteint la Villette à 9:20, il nous reste quarante minutes pour mourir de froid.
– EPISODE 3 –
DAVID : L’organisation est réduite à sa plus simple expression. j’adore ça : deux tables, un ordinateur portable pour enregistrer les noms, des dossards et des épingles à nourrices et c’est parti, Nous ne sommes qu’une soixantaine. Il y avait les années précédentes un peu plus de monde. Je ne sais pas si c’est le froid ou la délocalisation qui ont refroidi leurs ardeurs mais ceux qui sont là sont sans doute les plus motivés. Je récupère le dossard numéro 6. Ce n’est pas sur l’UTMB que j’aurais couru avec un chiffre pareil sur le dos. Il en faut peu pour me mettre la pression.
Parmi les gars qui s’échauffent autour de la ligne de départ, certains me semblent affutés. L’un d’eux porte un dossard jaune; il ne courra pas le 8km mais le 4km; ça m’arrange bien, vu la vitesse de ses accélérations j’aurai dans doute du mal à le suivre. J’effectue encore quelques allers-retours moins pour m’échauffer que pour le réchauffer. On ne tient pas longtemps quand on attend en t-shirt par 2 ou 3 degrés.
Anne est équipée comme pour un Trail blanc, elle ne risque pas de prendre froid; d’ailleurs, comme elle est bien au chaud, elle ne s’échauffe pas.
ANNE : quelques coureurs sont agglutinés autour d’une table et de deux chaises. En moins de trois minutes nous sommes inscrits et le dossard épinglé sur le ventre. Le certificat médical que j’ai dû aller chercher de toute urgence chez notre médecin ne sert à rien, ils ne le vérifient même pas.
J’ai toujours aussi froid et j’attends le moment du départ pour ôter mon coupe vent et laisser mon sac « coureur » à l’abri du buffet. Je veux me servir un verre de thé bien chaud mais on m’arrête; les boissons sont réservées pour l’arrivée.
– EPISODE 4 –
DAVID : on se regroupe sur la ligne. La speaker annonce, avec son mégaphone qu’elle peine à faire fonctionner, les missions sur lesquelles la section locale d’Amnesty est engagée : la libération du Dr Tung, un opposant birman, la condition des femmes et les exactions contre les coptes en Égypte. Ils ont placé les enfants qui courent le 4km devant, pour éviter les bousculades. Ce n’est pas vraiment une bonne idée si tout le monde doit partir en même temps. Mais ça fait parti du côté sympathique de la course ces sas inversés : éviter de piétiner les enfants au départ, ça contraint de ne pas partir comme une bombe. Au top, pourtant, ça part plutôt vite. Je me cale en queue d’un groupe de six.
Nous devons parcourir huit fois une boucle qui forme un triangle d’un kilomètre entre le canal de l’Ourcq et l’allée du Belvédère. Les trois premiers filent comme des fusées. Je ne peux pas les suivre. Les deux suivants ne sont pas très loin et je les rejoints avant la fin du premier tour. Ils ont brûlé; Ils sont partis trop vite. Je ne suis habituellement pas très véloce mais quand je vois mon mon chrono dépasser les 4mn alors que je n’ai pas encore bouclé le premier tour, je m’inquiète un peu. 4:05 pour un kilomètre c’est un peu faible. Il m’arrive parfois de ressentir comme un frein, l’impossibilité de dérouler proprement; mais ce n’est pas le cas ce matin. Je ne me sens pas particulièrement lent. J’imagine que la distance annoncée est approximative et que le tour peut aussi bien faire 1100m, personne ne s’en plaindra. Le circuit forme un triangle. On commence par une longue ligne droite de 455m sur l’allée du Belvédère puis on longe le canal de l’Ourcq pendant 455m puis on slalom autour du Zénith pour revenir sur l’allée du Belvédère. C’est un peu monotone; moins qu’une piste d’athlétisme mais je fatigue un peu à repasser indéfiniment aux mêmes endroits. Cela dit il y a un avantage à tourner comme un poisson dans son bocal, on a toujours quelqu’un à doubler, un courir en point de mire qui évite de s’endormir.
ANNE : je me mêle aux coureurs au milieu du peloton et je n’essaie pas, comme David, d’être la plus proche de la ligne. Le départ est donné et je me retrouve la première des filles. David m’avait conseillé de suivre et de m’accrocher à la première. Pour le coup c’est raté, je vais m’accrocher à moi même et tenter de doubler quelques garçons. J’ai encore oublié de recharger la montre Garmin que David m’a offerte pour mon anniversaire et l’écran est devenu noir avant même que la course ne commence. Je ne connais ni mon temps, ni ma vitesse; je cours en aveugle, avec mes seules sensations.
– EPISODE 5 –
DAVID : Je double ma sœur pour la première fois au milieu du troisième tour. Elle court sereinement en mode finisher. À la fin du quatrième tour, je remonte au niveau du troisième qui semble en perdition et ne fait pas de manière pour se laisser doubler le long du canal. Je suis troisième; je peux faire un podium si j’arrive à maintenir mon allure et qu’aucun gars ne revienne sur moi. Pourtant, au milieu du cinquième tour, un coureur arrive à mon niveau. Je l’avais vu s’échauffer le long de l’allée avant le départ, je pensais qu’il faisait parti du binôme qui s’était envolé devant moi. Il m’annonce que je suis en tête car les deux premiers se sont arrêtés au quatrième kilomètre. Je comprends mieux leur départ fulgurant.
Cette nouvelle me trouble quelque peu : Je suis en tête d’une course. Cela ne m’était jamais arrivé auparavant et, surtout, je n’imaginais pas que cela puisse arriver un jour. Je cours sur un nuage. Difficile de décrire la joie qui m’enveloppe pendant ces minutes. Lorsque je double Anne à la fin du cinquième tour, puis une seconde fois Marie-Pierre dans le sixième tour, je leur crie que je suis en tête. Cela ne semble ne leur faire ni chaud ni froid; chacun est dans sa bulle. Je savoure la mienne. Mon allure n’a plus trop d’importance désormais : Je gère ma place. Je contrôle celui qui court un ou deux mètres derrière moi.
ANNE : je suis première chez les filles et je vais sans doute le rester car la seconde est loin derrière. Je ne compte plus les gars que je double. Je sens bien qu’il y a plus de monde derrière que devant moi, ce n’est pas franchement habituel pour moi! J’ai un bon rythme; je crois bien que je n’ai jamais couru aussi vite. David me double. Il fanfaronne, il est premier. Je lui réponds que moi aussi je suis première féminine mais il ne m’écoute pas et continue sa course sans prêter plus d’attention à la mienne.
– EPISODE 7 –
DAVID : on atteint le huitième tour. L’adrénaline commence à m’envahir. Tout va se jouer dans quelques minutes. J’ai peur que mon poursuivant accélère et me lâche. Je ne veux pas non plus donner le signal d’un sprint précoce, cela pourrait lui donner des idées et, qui sait, il est peut-être bien meilleur que moi à ce jeu là. Jamais je n’ai couru en ayant à me poser de telles questions. J’inaugure l’habitude de courir derrière un chrono, pas devant une place. L’arrivée approche. Partir à 500m, ce serait trop risqué, 400m, 300m,… On entre dans la cour du Zénith. Je lâche les chevaux. Je m’attends à voir le second revenir sur moi comme une fusée. 250m. Je tourne sur l’allée du Belvédère; l’arrivée est à 150m de moi. On ne sait jamais, je ne voudrais pas tout perdre si près du but. Je me jette dans un sprint. La ligne approche, je suis devant.
Je retiens mon souffle. Ce n’est pas une technique de course, c’est la peur qui me tient. Je franchis la ligne en apnée. Je suis en tête, je suis premier.
ANNE : dernier tour, j’accélère l’allure pour essayer de dépasser les hommes encore à ma portée. À chaque fois c’est le même cinéma : ils accélèrent quand j’arrive à leur niveau. Ce n’est pas de se faire doubler qui les gênent; là où il en sont, ils ne courent plus pour le podium. C’est d’être doublé par une femme qui les vexe et c’est aussi ce qui me donne le courage de tenir bon et de les lâcher. Je vois l’arrivée, j’entends des encouragements. D’habitude, sur les courses, je passe toujours inaperçue; aujourd’hui c’est une autre histoire : je termine première. David m’accueille et me félicite.
– EPISODE 8 –
DAVID : Je goute pendant quelques minutes qui durent au moins un siècle au plaisir de la victoire. 34’20 ». C’est moyen pour un 8km mais tous ceux qui arrivent derrière moi comptent 600 à 800 mètres de plus sur leurs GPS. C’est aussi ce que je mesurerai sur une carte IGN, en rentrant chez moi. Anne passe devant moi; elle entame son dernier tour; elle aussi est en tête, chez les filles. Je remercie Denis, le second. C’est lui qui m’a informé de ma place et c’est l’envie de rester devant lui qui m’a fait courir pendant trois tours. Nous discutons l’un et l’autre jusqu’à ce que Anne Franchisse à son tour la ligne d’arrivée. Je suis assez fier de sa place; au moins autant que de la mienne.
On nous remet à chacun une grande et belle coupe que Théophile s’empressera d’exposer dans sa chambre. J’ai couru, comme chaque course cette année, avec un écusson Team-Outdoor brodé sous mon épaule gauche, mais je n’ai pas prévu de veste de « podium ». Ce n’est pas le genre de truc auquel je suis souvent confronté et je suis déçu de ne pas pouvoir rapporter, pour une fois, une photo avec la coupe dans les bras et l’écusson de la Team au dessus du cœur.
ANNE : J’ai mis 40’58 » sur un circuit de presque 9km. La deuxième, Carine, arrive en 42:32 et une autre Anne, la suivante,en 46:36. C’est la meilleure vitesse à laquelle je n’ai jamais couru mais ce n’était pas trop difficile non plus. Je suis aussi 18eme au scratch; même chez les hommes je ne démérite pas trop.
On nous remet, à David et à moi, de grosses coupes et quelques cadeaux. C’est un peu Noël avant l’heure. Il va falloir gérer ça maintenant. Quand on gagne une fois on imagine qu’on peut le refaire; on voudrait le refaire même si, malheureusement, toutes les courses ne sont pas aussi faciles à gagner.
Là j’ai enfin droit de boire un thé chaud avec Marie-Pierre, tout aussi thé addict que moi. Elle est contente d’avoir fait et fini sa 1ère course, ça se fête aussi… Allez même un 2 ème et un troisième thé!! C’était un moment très agréable, nous sommes rentrés à la maison en courant, nos coupes dans les bras toujours dans le froid mais là je ne le sentais plus.
David & Anne
Ludo
23 décembre 2013 @ 15 h 22 min
Bravo Anne et David pour ces victoires !! Une victoire reste une victoire, quelque soit la renommée de la course, et les chornos sont carrément pas dégueux !! Peut-être que je connaitrais ça un jour…
Sportivement,
Ludo.
Ludo
23 décembre 2013 @ 15 h 23 min
Ah oui j’oubliais : Il s’est passé quoi à l’épisode 6 ? Une faille spatio-temporelle ;-) ?