Au TOP au marathon des Villages!
par Guillaume VIMENEY – SALOMON – Team Outdoor Paris
MARATHON DES VILLAGES (33) – 42,195 KMS – 13 octobre 2013
Depuis le mois de juin, je me suis accordé un bon congé paternité, où j’ai pleinement pu m’occuper et surtout profiter de la dernière recrue de la famille, Eimi. En trois mois, j’ai dû réaliser une petite dizaine de footings seulement. J’ai donc fait l’impasse sur le Grand Raid des Pyrénées (160km) qui était pourtant au programme.
Début septembre, j’ai repris le chemin de l’entraînement, avec beaucoup de joie et d’envie. Plus exigeant envers moi-même, j’ai changé pas mal de choses à ma préparation physique. J’axe davantage mon travail sur la puissance, avec notamment du vélo et du renforcement musculaire. Au niveau diététique, j’ai succombé au régime sans gluten, très en vogue en ce moment. Je ne mange donc plus de blé et ses dérivés (céréales, pain, pâtes, farine, biscuits, croissants…). Les premiers jours ont été difficiles. Aujourd’hui, je suis convaincu par l’efficacité de cette diététique, qui n’est pas étrangère à mon excellente forme.
Malgré tout, les nombreuses semaines d’inactivité se sont fait sentir. Remettre la machine en route a pris un certain temps. Quinze jours avant le marathon, j’ai réalisé un premier test, sur le Trail des Coteaux, avec une victoire à la clef. Cela m’a donné confiance et m’a conforté dans mes choix de préparation.
Avec un petit mois d’entraînement, je ne m’attends pas à sortir un chrono exceptionnel, d’autant plus que le parcours est loin d’être roulant. Toutefois, l’objectif demeure de remporter le marathon. Je ne connais pas le tracé, mais mon père, qui a déjà participé à cet évènement, m’a donné de bons conseils. Reste quelques appréhensions vis-à-vis de mon pied droit douloureux, malgré les soins qui lui ont été prodigués. Nonobstant, j’espère y penser le moins possible au cours des 42km.
Située sur la presqu’île du Cap Ferret, la course s’annonce grandiose. J’adore cet environnement et ce cadre de vie, qui se prêtent tellement au plaisir de courir. Il y a deux ans, je me rappelle avoir remporté l’étape longue de la Trans Aq’ sur ces terres. Un merveilleux souvenir. D’ailleurs, nous arpenterons ce dimanche certains passages qui devraient se rappeler à ma mémoire. En tout cas, j’aime cet air marin, ce climat océanique, ces forêts de pins, ces plages de sable fin, ces dunes de sables…
Arrivé en famille sur les lieux une bonne heure avant le départ, j’ai le loisir de m’échauffer sereinement et de monter en puissance progressivement. Je ressens quelques gênes au niveau du pied, mais la forme est bien présente. Je me sens léger. J’ai hâte !!! Epingler à nouveau un dossard sur un objectif me ravi. Je n’ai que des pensées positives en tête. Suite à mon échauffement, je me place sur la ligne quelques instants avant le départ. Je n’ai pas le temps de tergiverser, de me poser des questions, simplement le temps d’embrasser mes proches.
A 9h30 précises, le coup de pistolet retentit sur la presqu’île et les quelques 1400 coureurs s’engagent sur la distance olympique. Les premières foulées permettent de jauger les forces en présence. Dès le préambule de la bataille, je me place en première ligne.
A mes côtés, j’aperçois Patrice Bruel, Manuel Ferreira et Frédéric Lastisnères entre autres. La course débute par une petite boucle en ville avec des virages assez secs à négocier.
Trouvant le rythme peu soutenu, je décide d’accélérer le train. Egalement offensif, Manuel Ferreira se positionne près de moi. Assez vite, nous allons prendre une bonne centaine de mètres sur nos poursuivants. Désormais pour le moins élevée, l’allure me convient parfaitement. Avec Manuel, on se relaie de temps à autres. Après 5 kms, nous prenons une piste cyclable qui s’enfonce dans les pins. Adorant ce type de passage, je décide de prendre les choses en main. Manuel Ferreira se situe tout juste derrière. Toujours vallonnée, la route laisse peu de répit aux marathoniens, qui doivent composer avec les incessantes montées et descentes qui s’affichent devant eux. Peu après, nous gagnons la plage ou un tapis a gentiment été déposé par les organisateurs, afin d’éviter de rentrer en contact avec le sable. Le passage n’est pas aisé et peut facilement détraquer le déroulement ordinaire de sa foulée. Au sortir de cette difficulté, je relance l’allure. Nous traversons alors le joli village ostréicole de Piquey.
Durant ce début de course, je me pose de nombreuses questions. Inquiet par la vitesse à laquelle défilent les kilomètres, je m’interroge sur ma capacité à maintenir la cadence jusqu’au bout. N’est-on pas parti trop précipitamment ? Ma préparation pour le marathon ayant été très raccourcie, j’ignore comment mes jambes vont digérer ce type d’effort. De plus, sur le bitume, j’ai moins de repères que sur les sentiers. Je me questionne sur les conséquences des chocs sur les mollets et les quadriceps. Toutefois, loin d’être asphyxié, je m’oxygène confortablement. Après 10 kilomètres, les voyants sont dans le vert. Derrière, les poursuivants semblent peiner, mais Manuel s’accroche. Au 11e km, je profite de la côte de la Pointe aux Chevaux longue de 400m pour m’échapper. J’accélère en essayant de décramponner mon sympathique adversaire du jour. Avec une vingtaine de mètres d’avance, loin de crier victoire, je sais que je dois persévérer et continuer à attaquer.
Par la suite, nous repassons dans le centre-ville de Lège-Cap Ferret (15e km). Mon père en profite pour me passer une bouteille et un gel, que je saisis à la volée. Dans la foule, j’entends un « fighting spirit » qui se distingue des applaudissements. Valessa est aux premières loges pour nous voir filer. Manuel pointe à une dizaine de secondes après mon passage. Rien n’’est joué !
Dans ce type de situation, je demeure fidèle à une règle de conduite : je ne me retourne jamais. Je me concentre seulement sur mes sensations. Surtout, j’évite d’envoyer des signaux négatifs à mes poursuivants, en laissant penser que je faiblis. Le regard et les pensées se portent toujours loin devant. Seules m’intéressent les prochaines foulées qui me rapprochent inéluctablement du but.
J’en profite donc pour m’hydrater et prendre quelques forces. Les prochains kilomètres seront déterminants sur l’issue du marathon. Nous arpentons à nouveau la piste cyclable et son profil accidenté, pour prendre la direction de la pointe de la presqu’île. Il se met alors à pleuvoir. Imperturbable, j’y songe à peine et me focalise sur l’effort. Au 20e km, une grande route départementale se substitue au charme des précédents chemins. A ce moment, il ne faut surtout pas relâcher son effort. Mon père m’attend alors et va m’accompagner en vélo une centaine de mètres devant, afin de m’ouvrir la voie. Voilà une chose très rassurante et motivante pour moi !
Au 24e km, le tracé jouxte le phare, d’un rouge flamboyant et si reconnaissable, de Lège Cap Ferret. Une belle image, qui nous rappelle de ne pas se perdre sur le chemin. Plus que jamais, il faut rester concentré et vigilent. Il ne faut pas s’enflammer. Le 30e km sera seul juge pour désigner ceux qui se seront montrés intrépides. Quelques kilomètres plus loin, je perds justement le cap, en m’égarant sur le parcours. Parvenu à La Pointe, on m’indique de prendre à gauche. Je prends donc la route qui s’ouvre à moi.
Malheureusement, il fallait faire demi-tour… Je dois rapidement revenir sur mes pas et continuer la marche en avant. Sur ce cafouillage qui m’est entièrement imputable, je perds 30 bonnes secondes. Je vois donc Manuel Ferreira et Frédéric Lastisnères revenir dans mon sillage. Nous en sommes alors au 28e km. Désormais, situé en ligne de mire de mes concurrents, il va falloir être fort sur la fin de parcours et surtout ne plus penser à cette mésaventure. J’extériorise ma frustration un bon coup, avant de repartir à l’attaque. Au 30e km, je constate que tout va pour le mieux. Les muscles ne sont pas raides, la glycémie est fixe, je suis lucide et déterminé. Je sens que j’ai une marge. S’il m’arrive d’être rejoint, je pourrai le cas échéant accélérer. Je n’ai pas encore puisé dans mes ressources psychiques.
Le village ostréicole du Cap Ferret s’offre alors à nous. Superbe !! Les virages sont secs, les relances nombreuses, mais le détour vaut le coup d’œil. Nous prenons alors des sentiers boueux et sinueux, peu habituel pour un marathon. Au 33e km, une piste cyclable longue de 5 km, est censée nous amener jusqu’à la dernière difficulté de la journée. A cet instant, j’ai conscience que la victoire me tend les bras. Je me sens léger, même si les quadriceps se sont durcis. Cependant, j’ai de bonnes jambes.
Au 38e km, le village ostréicole de l’Herbe nous accueille. Comme dans chaque traversée de village, la foule est nombreuse pour nous pousser et accompagner notre effort. Puis vient, une montée abrupte d’une centaine de mètres et composée d’une quarantaine de marches. Ce n’est pas le moment de flancher. J’essaie de mettre du rythme pour grimper en maintenant une bonne allure. Arrivé en haut des escaliers, je constate qu’il n’y a personne en contre-bas. Sur le bord de la route, les spectateurs me confirment mon impression. Je peux entendre des mots de soutien qui me rassurent bien : « C’est bon. C’est gagné !! », « Tu es seul. Il n’y a personne »… Il reste encore à monter une bonne butte avant de négocier la descente. 3 km me séparent encore de l’arrivée. Sur la fin du parcours, je savoure : « Je l’ai fait !! ». Je me rapproche confortablement des 42km, sans durcir le rythme. Nous visitons alors le village ostréicole de Piraillon, dont la beauté nous fait subitement oublier toutes nos afflictions. L’organisateur David Le Goff m’accompagne en vélo sur ces instants magiques.
Je boucle le marathon en 2h37 et surtout à la 1e place. L’objectif est rempli. Je partage cette joie avec ma famille. La présence de mon père, qui m’aura accompagné en vélo sur le second semi-marathon, m’aura été très profitable. Merci !!! Bien qu’écourtée, la préparation aura finalement été suffisante pour l’emporter. Quatre minutes plus tard, c’est Frédéric Lastisnères qui s’empare brillamment de la seconde place. Plus loin, Patrice Bruel complète une nouvelle fois le podium.
Cette victoire est également synonyme de départ dans les Caraïbes début décembre pour participer à la Trans Martinique (135km). Ce sera la dernière course de l’année, et cette fois je ne crains pas l’hypothermie qui m’avait paralysée l’an dernier à la SaintéLyon.
D’année en année, le marathon des villages s’inscrit comme un des plus beaux rendez-vous sur la distance en hexagone. Le tracé arpente les plus beaux endroits de la presqu’île. Les coureurs peuvent se régaler du Centre Equestre, des villages ostréicoles, du phare, des plages et des supporters en nombre sur le bord des routes. Pour cette 7e édition, l’organisation était parfaitement rodée. L’ambiance festive et conviviale de la course vous fera oublier tous les grands marathons autant médiatisés qu’aseptisés. Sur une épreuve, où l’on peut craindre de se retrouver seul, retranché dans un effort si solitaire, vous serez accompagné durant toute votre aventure, par les odeurs d’iode et de pins, ainsi que la joie de vivre des participants, qui ne rechignent pas à se déguiser pour rappeler que nous sommes là avant tout pour nous amuser et prendre du bon temps. Pour ma part, dans mon calendrier, la date du 12 octobre 2014 est déjà cochée pour profiter à nouveau de l’atmosphère de ce marathon, extraordinaire par bien des aspects. Et vous ? Quel marathon ferez-vous à l’automne prochain ?
Guillaume