Record Personnel battu sur le marathon de Francfort pour Benoit GANDELOT
Marathon de Francfort, 42.195 kms, dimanche 25 octobre 2015, Francfort (Allemagne)
par Benoît GANDELOT, Team Outdoor Paris
1. Pourquoi Francfort?
C’est vrai que ce n’est pas la ville qui semble la plus sexy pour aller courir un marathon mais plusieurs éléments ont fait pencher la balance en sa faveur. Tout d’abord, après m’être casser les dents trois fois de suite à vouloir passer la barrière des 2h35 sur des marathons pas forcément très roulants (Lausanne en 2h39 sous la neige, Paris en 2h36 et Toulouse en 2h37) j’avais envie de trouver un parcours bien plat avec de la densité.
Comme en France, on ne trouve rien qui convienne pour ces critères, j’ai pensé un moment m’inscrire à Berlin, le marathon des records du monde. Mais je trouve qu’il arrive trop tôt dans la saison, imposant une partie de la préparation au mois d’août. Mon choix s’est donc porté sur Francfort, un mois plus tard. Labélisé IAAF, Réputé rapide, le classement de l’année dernière montre en plus qu’une vingtaine de coureurs ont fini entre 2h34 et 2h36 : il devrait y avoir moyen d’accrocher un groupe …
2. La préparation
Elle a commencé début juillet par dix jours de repos total (c’est-à-dire sans aucun sport quel qu’il soit) suite à ma victoire en Bretagne sur les 37km Trail du Bout du Monde. Le reste de l’été a servi de tremplin pour être prêt à commencer la préparation marathon : remise en jambes à bases de footings au départ, retour des séances de fractionnés début août puis une semaine à la montagne où je n’ai fait que des côtes sur routes pas trop raides (entre 6 et 10%) mais très longues, essentiellement des cols, pour retrouver un peu de caisse. La saison estivale s’est terminée par la course du Cul d’Enfer, en guise de test, que j’ai terminée à la troisième place. Tous les voyants étaient au vert pour attaquer une grosse préparation sur huit semaines.
Celle-ci s’est décomposée en deux blocs de quatre semaines avec pour le premier trois semaines intenses suivies d’une semaine plus « cool » avec en conclusion un semi-marathon test et pour le deuxième 2 semaines et demi intenses suivies de dix jours d’affûtage. Sans rentrer dans les détails, une semaine intense « type » s’articulait généralement de la façon suivante :
- le mercredi une grosse séance de fractionné (entre 8 et 10km cumulés) sur des allures tournant autour du rythme 10 (soit entre 3’15/km et 3’23/km) avec des fractions variées (par exemple 4×2000, 3×3000, 4000/2000/4000, …).
- Le vendredi une séance de côtes (par exemple 15x300m sur une côté à 4%) ou bien une séance plus légère mais rythmée (par exemple 6×500, 10×400).
- Le samedi une séance d’allure marathon sur piste ou en nature (par exemple 3×4000, 2×5000, 3×20’).
- Le dimanche une sortie longue entre 14 et 15km/h de moyenne sur une durée de 1h45 à 2h30, les autres jours étant dédiés à des footings « cool » (entre 11 et 12 km/h) et un peu de vélo pour aller au boulot ou du repos. Pour ceux qui voudraient plus de détails, le contenu de toutes mes séances peut être récupéré sur Strava (https://www.strava.com/athletes/4368396).
Au final la préparation s’est parfaitement déroulée, j’avais l’impression de monter en puissance semaine après semaine. J’ai d’ailleurs battu (d’une seconde, en 1h13’17) mon record sur semi-marathon lors du test en fin de semaine 4. Cette réussite je la dois d’abord et pour beaucoup à mon ami Momo (que je ne remercierai jamais assez), qui vient tout juste de conserver son titre de champion de France V2 de marathon à Rennes et dont je ne cesse de faire l’éloge au fil de mes récits. C’est lui qui m’a suivi et conseillé sur cette préparation, adaptant mes séances à ma forme et mes sensations. Mais je la dois aussi au super groupe d’entrainement que nous avons monté, la fameuse Team Lenglen, dans lequel nous partageons chaque semaine une saine et dynamique émulation. Je dois dire qu’entre ce groupe et (ma) Team Outdoor Paris je suis plutôt gâté, c’est la course à pied en mode sport collectif.
3. L’avant course :
Arrivés la veille avec mes potes Sébastien et Cylien, notre premier travail consiste évidemment à retirer les dossards. Ce qui est sûr c’est que l’organisation n’a pas fait les choses à moitié avec un immense salon dédié au running où nous avons d’ailleurs pu trouver des modèles originaux, très allemands on dira, (voir photos) mais surtout avec l’aire d’arrivée, entièrement couverte dans une grande halle (un peu comme pour la SaintéLyon mais en beaucoup plus classe) et là franchement quand on voit ça on se dit qu’on est obligé de passer la ligne d’arrivée.
D’ailleurs Sébastien, qui est venu un peu en mode touriste suite à une blessure contractée en début de préparation et qui ne pensait faire que les trente premiers kilomètres en mode sortie longue change radicalement de discours, maintenant il veut aller au bout ;-).
4. La course :
Après une longue nuit (changement d’heure oblige), nous arrivons bien frais et reposés sur la ligne de départ. Les conditions sont idéales : pas de vent, une température d’une dizaine de degrés et un ciel couvert. Ça s’annonce bien. Nous gagnons le sas (- de 3h15, ça fait du monde) assez rapidement pour être bien placés et attendons fébrilement le départ … Mon objectif est donc de faire moins de 2h35 avec un passage au semi en 1h17 (soit 3’39/km), Cylien aimerait faire entre 2h37 et 2h38 et Sébastien prendre du plaisir mais je le soupçonne de d’être plus ambitieux que ça ….
A 10 heures la meute s’élance. Le premier kilomètre est très encombré mais heureusement les routes sont très larges et on peut très facilement doubler. De fait, je ne perds que quelques secondes sur le rythme cible et je peux commencer à dérouler. Avec Samir de l’USM Malakoff, mon ancien club, qui a le même objectif que moi, nous traversons le centre-ville dans un groupe de coureurs assez denses. Les sensations sont très bonnes, j’ai presque l’impression d’être en footing.
Les kilomètres défilent à toute vitesse et nous passons le cinquième en 18’16, tout à fait dans les temps. Je prends le relais de Samir et malheureusement je vais petit à petit le lâcher. Le peloton s’est quant à lui bien étiré et je me retrouve dans un groupe assez
compact avec deux féminines et leurs lièvres qui sont sur un rythme qui me convient bien, je reste donc avec eux. Le parcours est pour le moment parfait : plat et lisse, et en plus de nombreux supporters nous acclament tout le long de la route, c’est une entrée en matière géniale mais le plus dur est encore loin devant moi.
Toujours dans mon groupe, je passe le dixième en 36’28 et la seule et unique petite côte de la course pour traverser le fleuve sur un pont. Vers le douzième kilomètre les deux féminines que j’accompagne commencent à ralentir légèrement, l’une d’elle a même une respiration qui m’inquiète si tôt dans la course. Je prends alors les devants, quitte à courir seul, pour rester sur mon rythme et je franchis le quinzième kilomètre 54’39 toujours bien dans l’allure.
Un peu avant le semi-marathon, je parviens à raccrocher un deuxième groupe de féminines avec leurs lièvres, même si leur rythme est un peu saccadé je décide rester un peu avec eux. Nous arrivons au vingtième kilomètre, passé en 1h12’51 et je ne peux pas m’empêcher de penser au 20km de Paris que j’ai couru quinze jours plutôt, ce jour-là je m’étais dit en arrivant : « allez dans quinze jours faudra faire un peu plus de deux fois ce que tu viens de faire ! ». Et bien ça y est on y est ! Niveau jambes tous les voyants sont au vert, niveau souffle aucun souci, je croise les doigts pour rester comme ça encore le plus longtemps possible. Il est trop tôt pour se réjouir, tant de choses peuvent encore se passer …
Je passe au semi en 1h16’48 soit avec 12’’ d’avance sur mon objectif, la moitié est faite et je suis sur des bases de 2h34’. Mais méfiance, il y a deux ans, à Paris comme à Toulouse, j’étais passé avec sensiblement le même chrono … Bien aidé par mon groupe je continue d’avaler les kilomètres, le vingt cinquième est effacé en 1h31’08 et c’est à ce moment que je prends mon premier gel GU (j’en ai emporté quatre au cas où) : je me suis un peu hydraté à chaque ravitaillement, il est temps de prendre un peu de sucré.
Petit à petit le trentième kilomètre se rapproche et j’appréhende un peu : c’est à ce niveau que j’ai coincé sur mes précédentes tentatives (coup de mou avec la côte près de le Tour Eiffel à Paris et début de crampes aux mollets à Toulouse). Mais pour le moment ça va, je commence à avoir les jambes qui tapent un peu mais rien de grave. Au vingt huitième, les deux tiers de la course sont fait et je me dis qu’au pire du pire il me reste une heure à courir. Un bon moyen pour passer le temps : calculer en temps réel ses temps de passage à chaque kilomètre sachant que ceux-ci doivent être courus en 3’39 … Facile à tête reposée mais plus dur avec trente bornes dans les pattes !
Juste avant le trentième, je lâche mon petit groupe car là encore les féminines commencent à faiblir un peu déclenchant un ralentissement général. Je pars donc devant à nouveau tout seul et là je sais que ce sera jusqu’au bout … Je passe le trentième en 1h49’07 avec 38’’ d’avance sur mes prévisions et j’entame une section de course que j’avais anticipé en regardant le plan : une grande ligne droite de 4 kilomètres. Et bien tout seul c’est d’abord interminable et ce n’est pas facile de garder le rythme, j’ai vraiment hâte de la terminer. Le point positif c’est que je n’ai aucun signe de crampe, peut-être l’hydratation constante à laquelle je me contrains depuis quatre jours porte t’elle ses fruits ? En tout cas, après avoir ramassé quelques coureurs plus très frais, je viens à bout de cette ligne droite et je passe au trente cinquième en 2h07’16, je n’ai même pas perdu de temps.
Il reste sept kilomètre et ça devient dur mais je sais que c’est là tout se joue. Ce ne sont plus les jambes qui courent c’est la tête : je me raccroche à toutes les choses positives que j’ai vécues en courses à pied pour garder le rythme : mes belles courses, mes coups de mou pour lesquels je me suis accrochés malgré tout, les grosses séances que j’ai enchainé en serrant les dents. Ce n’est pas très sympa de dire ça mais de voir des gars qui s’arrêtent sur le côté me motive aussi à aller au bout, je ne peux pas craquer maintenant. Le final reprend les routes du départ, nous sommes revenus dans le centre-ville de Francfort et les côtés sont noirs de monde, rien à voir avec le marathon de Paris où le bois de Boulogne est vraiment déprimant.
Les kilomètres semblent de plus en plus longs, à chaque virage je cherche les panneaux. Je passe le quarantième en 2h25’39 avec 20 secondes d’avance (oui j’ai un peu trainé) et là dans ma tête c’est bon plus rien ne peut m’arriver. C’est dur mais je m’accroche : cinq cents mètres de pavés, une longue ligne droite et la ligne de départ en ligne de mire, je sais qu’après il ne reste plus que 200 mètres. Il y a une féminine cinquante mètre devant, ma dernière motivation et d’essayer de la passer et c’est ensemble que nous rentrons dans la halle surchauffée. Le chrono officiel indique 2h33’30 et il reste une centaine de mètre, aucun doute je vais faire moins de 2h34 (vidéo de mon arrivée : https://www.facebook.com/teamlenglen/videos/1500146510279221/).
Le bilan chronométrique : régulier
Je passe la ligne en 2h33’51, mon temps réel étant de 2h33’38. Je suis fou de joie et j’ai encore la force de sauter dans tous les sens là où autours de moi beaucoup sont allongés par terre. C’est la plus belle arrivée de ma vie, aucun doute, l’ambiance est énorme. Avec un chrono comme ça j’ai probablement atteint mon Everest, pas sûr que j’arrive à faire mieux un jour … mais ça c’est ce sera une autre histoire pour l’instant je profite du moment ;-).
Je n’ai pas beaucoup à attendre pour voir Cylien arriver en un peu plus de 2h36 : il réalise un chrono monstrueux et contrairement à moi il vient de se mettre à la course à pied. Ça promet pour la suite. Le temps d’aller prendre une petite bière bien méritée et nous voyons Sébastien rappliquer comme une fleur alors qu’on l’attendait un peu plus tard : binen motivé il a parfaitement géré sa course et même battu son record personnel (en 2h51), une sacré performance pour quelqu’un qui ne s’était pas vraiment préparé !
Le contrat est rempli pour tout le monde, maintenant il est temps de se détendre un peu et de profiter de quelques spécialités allemandes autours d’une bonne bière ! Pour recommencer l’année prochaine ? qui sait ?
Benoit
Le plan marathon de Benoit GANDELOT pour son RP au marathon de Francfort
13 novembre 2015 @ 13 h 24 min
[…] octobre dernier, Benoit était au départ du marathon de Francfort. Il franchit la ligne 42.195 kms plus tard avec un grand sourire et un record personnel en poche! […]