Le semi du Ventoux ou le plaisir de courir retrouvé, agnès HERVE
Semi du Ventoux, 21.6 kils, 1610mD+, dimanche 26 juillet 2015, Bedoin (84)
par Agnès HERVE Team Outdoor Paris
S’il y a bien un type d’effort que j’adore en course à pied, c’est les courses de côte sur route. Tu pars d’en bas, tu montes, montes, montes et tu arrives au panneau du Col où une petite photo s’impose! D’ailleurs, même sans dossard, mon kif, chaque année, c’est de rajouter un nom – au moins – au tableau des montées de cols sur route pourvu qu’il se trouve près de mon lieu de vacances… Ce qui est, il faut l’avouer, presque tout le temps le cas. Cela fait 11 ans que j’ai fait mon premier col sans entrainement spécifique, alors que mon entraineur de l’époque, Pascal Guichard de Léognan Athlétisme, m’avait invitée en vacances à Saint Lary-Soulan et que justement, en ce premier dimanche de Montagne avait lieu la Montée de Saint Lary – Plat d’Adet, bien connue par les coureurs du Tour de France.
Depuis, quelques cols fort sympathiques ont été gravis, avec ou sans dossard : la Montée de l’Alpe d’Huez (3 fois), la Montée de Bourg Saint Maurice les Chapieux pour ce qui est des dossards mais également le Col de l’Izoard dans les deux sens, le Col de l’Iserand (2 fois), le Cormet de Roselend en partant des Chapieux, le Col de Voza, le Col de la Chau et le Col de Carri, tous les deux dans le Vercors, le Col de la Croix de Fer, le Col de Sarenne, le col d’Agnel, le col de Peyresourde et le Col d’Agnès, il va de soit!!!…
Et quelques uns des cols mythiques me font toujours bien rêver comme la Montée de l’Aubisque, le Col de la Madeleine, le Col du Tourmalet, le Col d’Aspin, le Col de Menté fait en vélo lors du Duathlon du Val d’Aran en 2011, le Col du Benas parce que j’ai trop envie d’avoir la photo la haut avec mon amie Caro….et LE MONT VENTOUX!!! Le Mont Ventoux, le Col préféré de mon chéri. Celui que l’on a monté en tandem l’an passé alors que je n’avais pas roulé depuis….et surtout celui que l’on a descendu en tandem… avec Jo devant, vous imaginez le trip…. :) Celui que, le lendemain, nous avons monté en vélo en partant, cette fois de Malaucène…. Celui que je rêvais de faire à pied mais le temps était passé trop vite….
Et un jour, lors d’un de nos échanges sur l’entrainement et la programmation de courses, le Coach me dit que Caro et lui, iront faire la montée du Ventoux avec quelques coureurs de leur club…. Bon bah, c’est parti, on annulera la 6000D et direction l’Ardêche chez le Coach et Caro pour un beau week-end et une escapade dans le Vaucluse le temps de gravir les 21.6 kilomètres et 1610m D+ du Mont Ventoux!
Après un samedi bien sympathique à essayer de ne pas se faire semer par Jean-Claude lors d’une marche sur le circuit de la course de Montagne de Saint Priest, à se faire courser par un âne qui ne voulait pas que je le quitte après lui avoir fait des câlins, à faire la sieste devant le Tour de France, nous voici déjà dimanche. 4h30, le réveil sonne. Ça pique! Mais il faut bien ça pour pouvoir arriver sereinement à Bedoin… et puis ces réveils ardéchois aux aurores m’ont toujours bien réussi alors!
7h00, la Logan bleue du coach nous a amenés à bon port : Bedoin, nous voici! En plus de Caro, du Coach et de Jo, il y a aussi Jaouad, coaché par Bertrand, Antonio et Virginie, la miss « sourire qui ne lâche rien! ». De mon coté, je suis bien stressée par ces 21 kilomètres. mine de rien, je ne sais pas trop où j’en suis depuis le marathon terminé dans la douleur quand même malgré la victoire, et mon abandon suite à ma blessure au dos à la Moins’Hard trois semaines plus tôt. Et j’ai bien envie de faire une belle course… alors la tension monte!
On récupère les dossards puis on retourne à la voiture histoire de finir de se préparer. 8h10, on part tous s’échauffer chacun à son rythme et de son coté. Jo me montre le premier kilomètre et m’explique un peu le parcours : les 5 premiers kilomètres sont en faux plat montant et assez roulants, puis du 5 au 15 ça grimpe secos avec des pentes de 10% de moyenne. Un peu de calme après le chalet Reynard sur 3 kilomètres avec des pentes de 7 à 9% puis un finish assez raide sur les deux derniers kilos! Le décor est planté, il reste 15 minutes avant le coup de sifflet marquant le départ. Je coupe mon échauffement après quelques lignes droites un peu appuyées et me dirige vers l’arche…. juste au moment où le speaker prononce mon nom et cite la victoire à Sauternes ainsi que celle de Jonathan. ce n’est pas fait pour me déstresser ça! ;)
Allez, me voici placée sur la 3ème ligne ce qui inquiète Jo qui a peur que je parte trop vite. Je fais coucou à Caro mais elle ne me voit pas et je la perds de vue. Un petit signe à Jaouad qui a le potentiel pour gagner ici, même si avec le ramadan, il est assez creusé et manque d’entrainement. Cet homme a une pure classe quand il court! Le bisou à Jo pour lui souhaiter bonne course et je me reconcentre avant le décompte 10…..5, 4, 3,2,1 top!
Je m’efforce de partir vraiment facile en footing. Mine de rien, 21 kilomètres de côte, c’est vraiment long. D’ailleurs, je n’ai jamais fait autant. Le plus long étant le Col de la Croix de fer avec 18 kilomètres. Donc, ne pas se griller sur les 5 premiers kils pour être fraiche lorsque la pente va se durcir. Je me fais donc doubler par pas mal de coureurs sur les deux premiers kilos. Je me retrouve vers la centième position, je pense. Je suis alors calée dans un petit groupe, c’est pas mal. Mais, je trouve que le rythme va un peu vite pour moi (j’ai oublié ma montre GPS alors je ne sais pas trop à quelle allure on est) alors je préfère décrocher et faire ma course. Je les vois s’éloigner mètre après mètre. Mais je suis mieux comme ça. Quelques coureurs me dépassent encore avant qu’on arrive au ravito.
Y en a un juste devant moi qui souffle vraiment super fort! Vraiment étrange de se mettre dans le rouge comme ça en tout début de course. Je le vois s’arrêter assez longtemps, puis littéralement sprinter pour revenir à hauteur du groupe devant. Dans ma tête, je me dis que je ne vais pas tarder à le revoir celui-ci… J’aurais mieux fait de ne rien dire, même dans ma tête!!!
Bé oui, la pente se durcit secos, comme prévu! Et là, devant, ça marque sévère le pas. Tout doucement et toujours à mon rythme, je remonte sur 1, 2, 3……10 coureurs… Le petit groupe devant se disloque. Pour ma part, je continue mon petit bonhomme de route, en recherchant l’ombre et en essayant d’optimiser la trajectoire dans les virages sans me soucier du reste… C’est juste trop bon. Alors je profite un max…. jusqu’au moment où….
Je reviens sur le gars qui souffle comme un bœuf, un phoque, une forge ou une locomotive ou même les quatre à la fois! Je le passe par la droite à la faveur d’un virage qui tourne à droite justement. Mais voila ti pas que le gars qui était à l’arrêt total m’emboite le pas, soufflant de plus belle. …. à quelques millimètres de mes DS Trainer, et surtout de mes oreilles! Le cauchemar! Je me dis que, de toutes manières, il ne va pas tarder à lâcher, vu le sur-régime dans lequel il est depuis le départ. Mais non, il tient! En soufflant de plus en plus fort, mais il tient! Boudie! Malheur! Alors là, je ne prends plus aucun plaisir.
Ça me casse les ninins à un point, je ne vous dis pas!!! 1 kilomètre, 2 kilomètres… la forge-locomotive-phoque-bœuf toujours dans mes talons. Je coupe à droite, il coupe à droite, je coupe à gauche, il coupe à gauche, je reste au milieu, il reste au milieu. 3 kilomètres. Je n’en peu plus! Bon, bah il va falloir employer les grands moyens : je vais faire ma garce! Je sais bien faire ça des fois. Je décide de couper secos tous les virages, juste devant lui, afin de lui couper à chaque fois la trajectoire! Un virage, deux virages, trois virages, 4 virages… et 1 kilomètre de plus avec mon suceur de roue. Boudie j’en peux plus! Enfin, le ravito du 10. Je vais pouvoir le semer si je fais un ravito express. Vu comment il souffle le gars va bien s’arrêter 1 grosse minute. Allez hop! Je prends juste un verre d’eau gazeuse et je file fissa. Un coup d’œil derrière, il est encore au ravito! Yess!!!
Roughhh roughhh roughhhh! Malheur, c’est bien lui que j’entends dans mes basques! Il est revenu! Bon allez, ça suffit ce petit jeu. Je n’en peux plus. Je vois un gars en rouge qui a l’air de bien remonter, régulièrement et sereinement. Je me dis que je vais hausser le rythme pour me débarrasser de mon suiveur et me mettre au rythme du gars devant. J’accélère tranquillement pour revenir sur le gars en rouge avec un débardeur marqué ANDROS. Je me mets à sa hauteur. Le souffleur, après avoir accroché quelques mètres, lâche enfin du terrain…. ouf!
Et nous voici, tous les deux, monsieur Andros et moi, partis pour faire course commune dans notre remontée du peloton. Se relayant tour à tour. Moi devant au départ, puis lui devant quand je ressens un petit coup de moins bien au 14ème, puis à nouveau moi devant. On s’attend aux ravitos et on remonte, on remonte on remonte! C’est top de partager ça avec un coureur et de faire cause commune. J’espère que Jo a pu avoir un bon groupe devant également. Ah voilà déjà le chalet Reynard. Le gros avantage de s’être employée à différentes tactiques de « semage » de suceur de roue, c’est que je n’ai pas vu le temps passer depuis le 6ème kilo!
On voit le Mont Ventoux dès lors. Nous sommes maintenant totalement à découvert avec le soleil qui tape bien et l’altitude se fait sentir. Pourtant, même si la pente semble se radoucir, les jambes, elles, se durcissent de plus en plus et mes petits mollets qui commencent à chouiner un peu. Au ravito du 17ème, je m’arrête un peu plus longuement pour bien m’hydrater avec de l’eau gazeuse et un verre de coca plus un peu d’eau pour mouiller la tête. On repart à deux comme on le fait maintenant depuis 7 kilomètres. Mais les mollets tiraillent secos et le dos me fait souffrir plus qu’au début. Après quelques centaines de mètres, j’éprouve le besoin de marcher. Monsieur Andros se retourne et m’encourage à enquiller derrière lui. Il ralentit pour m’attendre et je recolle.
J’accrocherai au mental jusqu’au kilomètre 18. Là, la pente se durcit à nouveau. le Mont ne semble pas se rapprocher d’un pouce!!! Je suis limite crampes aux deux mollets. Puis, arrivent les crampes au-dessus du pied. Ce qui m’empêche de courir sur la pointe des pieds. Et attaquer talon sur une pente de 9%, c’est pas très facile! Je laisse monsieur Andros s’éloigner petit à petit. J’essaie de ne rien lâcher en recourant dès que les crampes me fichent la paix.
Sommet à 3 kilos, annonce la borne sur le coté gauche de la route, une des rares bornes que j’ai réussie à repérer sur les 21 mise à part celle du départ à Bedoin. Je lève la tête vers le sommet pour juger du chemin qu’il me reste à parcourir avant l’arche d’arrivée. Là, j’aperçois un petit (vu d’ici, il est petit) bonhomme jaune descendre la route à grandes foulées, au loin. Je le reconnaitrais entre mille. Voici mon homme qui vient à ma rencontre comme promis. Je recours, histoire qu’il ne me voit pas en train de marcher!!!
Rien à faire, les crampes reviennent illico. J’alterne donc quelques pas de course avec quelques pas de marche afin de gérer au mieux les tensions. Je me fais remonter par quelques coureurs, mais finalement pas trop. Je regarde quelques mètres devant : Monsieur Andros à l’air à la peine lui aussi mais il ne marche pas. Je me rassure en voyant que je ne perds pas trop de terrain par rapport aux gars qui courent devant finalement. Tous les organismes ont l’air de subir cette fin de parcours au soleil.
Jo m’a maintenant rejointe et m’encourage à ne rien lâcher. Il a fait 5 de son coté en 1h42 et des brindilles ce qui est un super chrono!!! Je lui explique que je lutte contre les crampes. Il me dit que c’est la fin et qu’au ravito, il ne restera que 2,5 kilomètres! Euh…. on vient de passer la borne « sommet à 2 kilomètres là mon chéri!!! ». Oui, mais elle est mal placée! Bon bah va pour 2.5 kilomètres. On continue à alterner marche et course sans perdre trop de terrain. Jo m’assure que la seconde femme n’est pas en visu derrière et que je peux me relâcher. On arrive enfin dans le dernier kilo. Il y a plein de spectateurs ici et ça booste bien! Le coach et Jaouad sont là également presqu’au dernier virage et m’encouragent! Dernier virage et la joie de franchir la ligne d’arrivée en tête chez les femmes. Ça fait un bien fou! Et ça fait un bien fou de prendre autant de plaisir à courir, enfin!
Je récupère un peu en buvant de l’eau gazeuse. Pas mal de gars viennent me voir pour papoter. Je remercie monsieur Andros pour son aide et il en fait de même… Bon, je vais aller m’assoir car la tête tourne un peu. Jo discute avec un gars avec qui il a couru une partie de la course pendant que je récupère un peu. Puis, je descends vers les bus récupérer mon sac afin de me changer car je n’ai pas super chaud, une fois l’effort coupé. On redescend en marchant pour aller retrouver le coach qui attend Caro mais après 3 virages, pas de coach. Il est redescendu plus bas. Je ne me sens pas au top alors on préfère remonter pour attendre plus haut.
Caro arrive escortée de Jaouad et du Coach. Fortiche d’enquiller ça trois semaines après le TGV! Allez, c’est l’heure de redescendre à Bedoin avec le bus de l’orga. Impeccable cette organisation. Sauf peut être la remise des prix super tardive qui ne débutera pas avant 15h30… et qui se fera donc dans l’intimité des podiomés, vu que tous les autres coureurs sont déjà rentrés chez eux. Cela nous aura permis de se faire un bon petit resto que je vous recommande si vous fait une halte à Bedoin : PASTA e BASTA! C’est super bon, avec des tarifs super attrayants et l’accueil y est juste formidable! D’ailleurs, le resto est vite blindé!
Le speaker qui connait Jonathan de la course qu’il a gagnée l’été dernier à Malaucène vient papoter avec nous en attendant la remise. Il a super bien bossé sur les engagés car il nous sort tous les résultats de course qu’on a fait en 2015. On discute un peu de la course des hommes devant et du record battu cette année suite à un Jaouad qui a amené tout le monde sur un rythme de folie. Il ne manquait pas grand chose pour qu’il aille chercher la victoire. Juste quelques kilomètres et surtout quelques jours en plus pour retrouver sa forme d’avant ramadan! Jonathan monte également sur la boite pour le classement Sénior. Et Virginie est première Espoir.
De mon coté, malgré une fin de course délicate, je suis super contente du chrono. Sur un effort qu’il est difficile de préparer en Ile de France, je finis avec des gars qui tournent entre 1h20 et 1h25 au semi et 37/38 aux 10 kils. Ça permet de me rassurer et d’entamer la prépa de Millau avec une confiance retrouvée. Le week-end se termine comme il a commencé avec une superbe randonnée aux 3 Becs avec Caro et Bertrand. Le bonheur! ;)
PS. et voilà 8 bouteilles pour compléter notre cave après les deux Magnums de Chateau YQUEM, le Sancerre, le Champagne!
agnès