Rencontre avec la fracture de fatigue, pour en savoir plus
par Sophie DUVERNAY, Team Outdoor Paris, MIZUNO
La fracture de fatigue du péroné, Causes, actions et avantages
C’est la fracture dite du coureur à pied, apparemment un classique si on lit les forums ! La mienne est arrivée sans crier « attention j’arrive !!». Après 6 semaines d’arrêt de course à pied (CAP), je vous livre mon analyse, à froid, des causes de cette fracture mais aussi, paradoxalement des avantages qu’elle m’a procurés.
1. Le contexte
Le diagnostic
Les premières douleurs sont apparues le 1er juin sous la forme d’une contracture du jambier antérieur après un 5000 m. Ces douleurs ont perduré pendant 15 jours sans réellement diminuer sauf après 15’ d’échauffement. C’est finalement au cours de mon deuxième 5000 m, le 14 juin, que la fracture s’est réalisée au cours des 2500 premiers mètres. Ma foulée étant claudicante, j’ai décidé d’arrêter mon effort pour ne pas me blesser plus gravement. De prime abord, j’ai cru à la « grosse contracture », ayant vu mon médecin la veille qui m’avait diagnostiqué une « petite contracture » du jambier antérieur droit. Finalement après 3 semaines, les douleurs musculaires ayant complètement disparu mais l’impossibilité de courir restant toujours présente, j’ai réalisé une scintigraphie dont le diagnostic fut sans appel : fracture de fatigue du tiers supérieur du péroné droit.
La moyenne de l’arrêt CAP se situe à 6 semaines (4 pour les plus chanceux, 8 pour les moins chanceux). Le médecin ne peut pas poser ce diagnostic immédiatement. En effet, il faut déjà que le problème musculaire disparaisse afin qu’il puisse dévoiler le problème osseux. En outre, une radio classique ne pourra pas distinguer la fissure sur l’os. Donc il faut avoir recours soit à l’IRM (délai d’attente important) soit à la scintigraphie (faible délai d’attente) pour poser le diagnostic.
La chronologie
– Samedi 1er juin : douleurs 3’ après la fin du 5000 m mais pas pendant la course (localisées au niveau de la fracture sans qu’il y ait eu de choc)
– Le dimanche 2 juin, disparition de la douleur lors du footing de récup après 15’
– Du 3 au 13 juin, la douleur ne se ressent pas au repos ; douleur tant que le jambier antérieur n’est pas chaud. Cette douleur disparait avec l’échauffement
– Vendredi 14 juin : A l’échauffement, la douleur ne disparait pas et je ressens une douleur croissante à la base du mollet. Arrêt de l’effort car début d’un boitement / A chaud pas de douleur, à froid, difficile de poser le pied au sol, douleur très vive dans toute la jambe
– 15 et 16 juin : repos toute la journée, douloureux lors de la pose du pied au sol, descente d’escaliers douloureuse
– 17 au 21 juin : diminution progressive de la douleur lors de la marche. 19 juin, une fois le muscle chaud pas de douleur en marchant mais déplacement lent. Pas de douleur en faisant du vélo d’appartement (faible intensité)
– Lundi 24 juin : plus de douleur en marchant, démarche normale, vitesse moyenne, descente des escaliers sans douleurs. 1ère tentative de CAP : douleur vive en déroulé plantaire, sensation de cisaillement. Arrêt immédiat
– Mercredi 26 juin, plus de douleur en sautant sur la pointe des pieds, disparition de toutes douleurs musculaires
– Vendredi 28 juin, deuxième tentative de CAP, même douleur mais après 3 appuis. Arrêt de la tentative
– Jeudi 4 juillet : pas de douleur en marchant, en courant, douleur dès une attaque talon. Arrêt de la tentative
– Mercredi 10 juillet : diagnostic de la fracture de fatigue du péroné droit au niveau du tiers supérieur. Le médecin me demande d’attendre début août pour reprendre la CAP
– Alternance de vélo, natation et abdominaux
– 19 juillet remplacement du vélo par le VTT en restant sur routes et chemin mais en intégrant beaucoup de travail en montée en « moulinant »
– Si tout va bien reprise CAP le 1er août
2. Les causes
L’entrainement n’est pas la seule cause à ce qui m’est arrivé ; c’est un ensemble plus complexe lié à un manque de récupération, conséquence d’une conjonction de différents facteurs. Schématiquement, je le représente de la manière suivante :
Facteurs sportifs
– Si je compare mon kilométrage préparatoire à l’ultra trail de Belle île en mer et celui lié à la préparation piste, il a été divisé par deux. Ce n’est donc pas là qu’il faut chercher un premier élément causal.
– Par contre le sol était plus dur (piste et route) pour préparer la piste que l’ultra (chemins, sentiers)
– Second élément, j’ai travaillé plus en chaussures à pointes (donc moins amorties) qu’en chaussures de trail (plus amorties)
– Troisième élément : je n’avais plus fait de la piste un objectif depuis 5 ans. En effet, la période compétitive (environ un mois et demi autour du mois de juin) me semblait incompatible avec mon activité professionnelle (juin est usuellement une période très chargée). Mais cette année, étant en faculté, je pensais avoir une fenêtre d’opportunité. Donc après 5 ans à préférer le trail et ses sols souples, passer subitement la piste et ses sols durs, il faut croire que c’était trop pour mon corps vieillissant (lol)!
Facteurs personnels
– Le stress lié à la maladie d’un de mes proches à gérer
– Beaucoup de questions liées à la gestion de mon futur célibat géographique
– La recherche d’un appartement et la gestion d’un déménagement, chose qui n’est jamais évidente quand on est à 650 km de sa future affectation
=> Tout ceci entraine des difficultés qui doivent être résolues en priorité pour sécuriser l’avenir et ne permettent pas de se concentrer à 100 % sur l’aspect sportif, ce qui a limité les temps de récupération puisque je n’ai pas rogné de temps sur l’entrainement
– Partiels M2 EMIS (mai) : c’était le moment de ne pas se rater. Se rater signifiait retour à la case départ. Et après 3 années de travail pour pouvoir rejoindre le domaine du sport militaire, plus exactement l’E2PMS (éducation, entrainement physique militaire et sportif), je ne voulais pas passer à côté. Ce qui a induit un début de mois de mai très dense avec les partiels du Master 2 EMIS (entrainement management et ingénierie du sport)
– Après les partiels, j’ai enchainé avec un stage au service des sports d’une collectivité locale. Là encore, toujours l’envie de bien faire, non seulement à titre personnel mais c’était aussi les valeurs et l’image de l’armée de Terre que je portais. Pas question d’être moyenne !
– La semaine suivant la fin du stage, j’ai fait 1400 km (A/R) en voiture, pour prendre contact avec ma future affectation. C’est un moment unique et très important pour prendre les meilleures consignes qui soient, découvrir son futur environnement de travail et découvrir les personnes avec lesquelles je vais travailler pendant 4 ans. Elles me découvrent aussi d’ailleurs !!! J. C’est donc une période très dense
– Il faut ajouter à cela, tout au long de l’année la gestion des relations avec mon affectation de 2012-2013 distante de 400 km. Ce n’est pas toujours facile de répondre aux sollicitations compte-tenu des délais de déplacement
=> C’est un mois de mai qui aurait dû être tranquille et me permettre de me consacrer à ma montée en puissance sportive. Toutefois, il a été tourné fortement vers l’aspect professionnel et à accaparé mon esprit tout en absorbant les plages de récupération que je m’étais fixées
La période hivernale à Dijon a été très rude. Vent, pluie, neige, verglas et surtout, en 4 mois, seulement 11 h de soleil. Conclusion, une fatigue générale et un manque de vitamine D nécessaire à fixer le calcium sur les os.
3. Les actions
Passée la phase de déprime, j’ai traité la contracture énergiquement et mis en place un protocole visant à limiter la phase de désentrainement :
- avec des massages (massage avec la pommade décontractyl), des bouillotes (je suis la reine de la bouillote désormais !!!) et de l’électrostimulation (programme décontractant). A posteriori, sachant que j’avais une fracture de fatigue, je n’aurais pas utilisé l’électrostimulation
- A défaut de pouvoir courir, je me suis mis à la natation une fois que j’ai pu reposer le pied à terre. Consigne : natation avec un pull boy pour que les jambes n’aient aucune action
- 5 jours plus tard, j’ai mis le pied sur le vélo d’appartement sans aucune douleur. C’est comme la natation, c’est chiant mais ça entretient, puis vélo de route sans montée, puis avec montée et enfin VTT (à compter du 19 juillet) ! Consigne : rester assis sur la selle
- Travail des abdominaux
=> J’ai réalisé ces trois activités en alternance. J’ai maintenu au moins une activité physique par jour
– J’ai fait des tentatives de CAP (cf chronologie) : douleurs toujours importantes comme un cisaillement au niveau de la fracture de fatigue même si elle apparaissait de plus en plus tard
4. Les avantages liés à la fracture du péroné
Je vous assure, il y en a. Je m’explique : certes, une blessure n’arrive jamais au bon moment et crée une frustration très importante. Toutefois, il ne faut pas croire que tout s’arrête. Quand on est blessé, on ne pense qu’au moment où on va recourir. Pour ne pas repartir à 0, il faut s’entretenir. Le fait de se fracturer le péroné, n’interdit pas, contrairement à d’autres fractures de fatigue (par exemple celle du bassin) de pratiquer des activités physiques à condition qu’elles soient portées. Il faut en discuter avec son médecin !!!! Cela signifie qu’il faut passer outre sa répulsion première de la natation (!) et aller nager. Si en appuyant sur les pédales d’un vélo, aucune douleur n’apparait, alors le vélo est un allié de poids. Le travail de renforcement musculaire du haut du corps est aussi préconisé
Je préconise donc au vu de ce qui précède, d’observer 4 à 5 jours de repos complet, puis d’intégrer les sports portés. Au début un peu, pour ne pas fatiguer l’organisme et lui permettre d’entamer la récupération, puis aller crescendo dans le volume et l’intensité. Quoi qu’il en soit, pour une fois, il faut écouter son corps et ne pas le pousser dans ses retranchements. La douleur est reine, elle nous guide dans les activités que nous pouvons pratiquer ou non et leur intensité. La patience sera le maitre mot de cette période qui finalement, à bien y regarder, sera l’occasion de couper réellement avec la CAP (ce que nous sommes incapable de faire en réalité si nous ne sommes pas blessés), de découvrir l’effort des sports portés et leur intérêt dans le cadre de futurs entrainements CAP. J’ai passé un cap et je vais intégrer dès ma reprise de la natation et du VTT ou vélo au lieu de séances CAP dans mes entrainements.
Sophie
Reprise après une fracture de fatigue au péroné, la suite par Sophie DUVERNAY
19 décembre 2013 @ 11 h 31 min
[…] je vous ai laissé avec mon compte-rendu à chaud au mois de juillet qui soulignait les différentes étapes rencontrées après ma fracture de […]
Michel Sicotte
2 septembre 2015 @ 12 h 18 min
Bonjour, j’ai passer une radio, on ma lue le résultat et je dois revoir le médecin, épassisement osseux du péroné, douleur sur point précis soupcons ==> fracture de stress vous en pensé quoi ?
Merci
Agnès
2 octobre 2015 @ 15 h 09 min
le mieux est de voir le médecin. Chaque cas est particulier et nous ne nous permettons pas de donner des avis médicaux. Nous espérons que votre trait de fracture va vite se résorber en tous les cas. Tenez-nous au courant.
Vincent
23 août 2016 @ 14 h 49 min
Génial cet article, MERCI !
On vient de me diagnostiquer une fracture de fatigue en me disant « pas de CàP avant 2 mois ! », je suis encore dans la phase de dépression (^^’) mais l’expérience partagée de Sophie me redonne espoir ! :-)
PS : décidément le TOP est partout, même quand on est blessé ! Hé hé !
Severine
21 janvier 2017 @ 11 h 40 min
Merci beaucoup pour votre article!!
On vient de me déceler une fissure de contrainte autrement dit une fracture de fatigue du fémur…après avoir passer au bas mot 2 mois sans savoir, enfin le verdict!
J’ai donc pendant ces deux mois, tenter les massages , les étirements , les crèmes et les guérisseurs, de voir dès médecins ( 5 avis différents) , de re courir , de faire de la natation,…. Mais toujours de vives douleurs…
La ca va un peu mieux mais comme j’étais , malgré mes douleurs, en preparation marathon je ne sais pas quoi faire…
Le docteur me dit que non et le podologue me dit que oui en faisant attention et en alternant séances longues par du velo et séances qualitatives par de la course….
Je suis dans l’expectative , et ne sais plus en qui avoir confiance pour me dire réellement les choses… J’en ai assez de passer de médecins en médecins avec avis différents sur avis différents…
Vous depuis les 1er signes de douleurs il vous a fallu combien de temps de guérison totale???
Merci beaucoup pour votre article qui prouve encore une fois que si nous nous faisons « mal » cest uniquement pcq la course coule dans nos veines et que s’arrêter c’est comme arrêter de respirer!!
Agnès
24 janvier 2017 @ 18 h 16 min
Bonjour et gardez confiance avant tout. Et faites-vous confiance. une fracture de fatigue c’est au moins 6 semaines de repos complet. La préparation marathon, ce n’est pas envisageable. Il faut laisser tout cela se remettre. faire du vélo oui mais pas de choc sur le sol pendant 6 semaines. C’est un trop gros risque. de toutes façons, impossible d’aller au bout d’un marathon avec une fracture e fatigue. le simple fait de vous poser la question signifie que vous avez déjà la réponse. après les 6 semaines sans course, il faut reprendre tranquillement en alternant marche et course et des séances de vélo. S’arrêter ce n’est pas forcément arrêter de respirer, c’est respecter son coprs. c’est entrevoir de courir autrement, une fois la blessure domptée. Ne tentez pas le diable. Ça ne donne jamais rien de bon.
François CARIOU
17 août 2021 @ 17 h 43 min
Bonjour, une sur-intensité dans l’entrainement (reprise des fractionnés durs sur des 300 / 400 /500 m sur le bitume), du stress (le décès de ma mère, ma fille qui part de la maison pour ses études sup), jamais de jours de repos (7 entrainements par semaine à 61 ans), du tennis intensif à côté et bingo.
C’est extrêmement douloureux car j’ai re-forcé et me suis re-blessé 2 fois avant de comprendre qu’il s’agissait d’une fracture de fatigue. J’étais persuadé … d’un syndrome des loges, tant et si bien que j’en avais persuadé le médecin du sport. Effectivement, le mollet gonflait énormément. C’est la technicienne à l’échographie, en discutant avec elle, qui a pris l’initiative de prendre une radio. Le tiers haut du péroné, à la radio, fait des arabesques sur la partie extérieure de l’os, très visibles. Bref, l’os en vrac …
Le positif : calmer la machine. Depuis, fini les douleurs de plus en plus violentes au ménisque droit, où je finissais par boiter (tennis), aux lombaires (tennis), où je marchais parfois à 4 pattes …
J’arrête le tennis, je passerai de 7 à 5 entrainements de course par semaine avec du vélo d’appartement, du rameur et du vélo elliptique les jours sans course. Je veux durer longtemps, pas me casser ; ce type de blessure est un retour au calme qui permet de réfléchir au « pourquoi mon corps m’a dit stop ? ».
Toujours écouter le message transmis par son corps.
J’attends encore une semaine (ça fera 75 jours sans course) et fonction de la radio, je reprendrai. Beaucoup de marche (de plus en plus au taquet), un peu de vélo d’appart, un peu d’elliptique. Courir me manque énormément.