Entrée dans le monde de l’ultra sur route! par Agnès HERVE
Les 50 kilomètres de la Sologne des Rivières, samedi 29 aout 2015, Theillay (50)
par Agnès HERVE, Team Outdoor Paris
Nous voici en Sologne. C’est seulement la seconde fois que je viens dans cette région, la première remontant à fort longtemps à l’occasion d’un stage de basket à Salbris alors que j’avais 12 ans. Outre le fait d’être un lieu privilégié pour résider au calme lors de week-end visite des châteaux de la Loire, cette région présente la particularité d’être bien verte, d’abriter plusieurs étangs et rivières et également d’être parcourue par de nombreuses belles et longues routes toutes droites et toutes plates.
C’est en toute logique, sachant cela, que Theillay, petite ville de Sologne située entre Salbris et Vierzon, accueille chaque année depuis 14 ans un des plus roulants 100 kilomètres de France : les 100 kilomètres des étangs de Sologne, épreuve déjà 3 fois support des championnats de France de la discipline. Et cette année pour la seconde fois, la charmante équipe du COUC a également mis en place un 50 kilomètres en ce samedi 29 août. Au vu de la date (4 semaines des 100 kilomètres de Millau) et du lieu idéalement placé sur la route du retour de vacances nous permettant ainsi un retour progressif à la civilisation, j’avais coché ces 50 kilomètres de Sologne des Rivières dans le calendrier comme course de prépa.
6 heures après avoir quitté le Vaucluse, nous voici donc dans un superbe hôtel à La Ferté-Imbault. Il y a un grand parc, un château dans lequel on prendra notre petit déjeuner le lendemain de la course – vivement dimanche ! – une rivière qui traverse le grand parc, les dépendances du Château dans lesquelles nous logeons et une piscine pour la récup du samedi après-midi ! La grande classe internationale !!! Un beau petit week-end en perspective ! Bon, arrêtons de saliver par avance des cakes maisons, jus d’orange frais et bains dans une eau à 30°C, il y a une petite séance à valider avant. Et pour cela, direction le retrait des dossards. Après 10 petites minutes de trajet et un bonjour aux bénévoles déjà sur le pied de guerre, nous voici avec les deux dossards en poche ! Le 1032 pour moi et le 389 pour Jonathan ! Les suiveurs en vélo doivent également avoir un dossard. Et oui, car Jonathan va jouer le rôle de mon suiveur, ravitailleur, discuteur, « supporteur », incitateur au sprint… tout ça, juché sur son beau vélo de route LAPIERRE qui fera bien parler de lui… Mais on y reviendra !
Après une séance pour Jonathan et un petit footing pour moi afin de délasser les gambettes, je passe un coup de fil au coach pour savoir à quelle allure partir. Puis c’est pique-nique dans la chambre et direction le dodo… Bah oui, demain, le réveil sonne à 3h15 du mat…, le départ étant donné à la fraiche à 6h30. Les consignes du coach sont de rester souple pour ne pas trop piocher dedans en vue de l’objectif dans 4 semaines mais de ne pas lambiner non plus. Bref, je ferais ma course en restant facile aux sensations. J’appréhende quand même pas mal. La prépa d’un 100 bornes est longue et pas facile du tout. J’ai ma jambe droite un peu chelou depuis fin juillet alors, cette course, même courue en dedans, me permettra de savoir où j’en suis.
Après un réveil à 3h15 du matin pour un petit-déj agrémenté de la finale du décathlon, une petite sieste digestive puis la préparation finale, nous voici partis direction Theillay pour y arriver quelques 10 minutes plus tard. Il est 5h30, il fait noir et bien frisquet ! Malgré les 38°C annoncés pour la journée, je crois que j’ai eu la bonne intuition en prenant mes manchettes en plus du débardeur ! Enfin, pour le moment, je reste au chaud dans la voiture tandis que Jo commence à préparer son vélo.
D’ailleurs, en parlant de vélo, on ne sait pas trop quelles sont les règles. Le port du casque est-il obligatoire ? Quand l’accompagnateur vélo a-t-il le droit de ravitailler son coureur ? Où se trouve le lieu de rendez-vous des accompagnateurs vélo que l’on récupérera au passage après quelques kilomètres courus seuls… Justement, une voiture vient de se garer juste devant nous. Le monsieur qui en sort dit à sa femme qu’il a oublié son casque ! Jo saute sur l’occasion pour lui demander s’il est obligatoire, justement, de porter un casque ! Le monsieur rigole : « Non non, ne vous inquiétez pas, pas de casque obligatoire pour les suiveurs vélo, mais je parlais de mon casque de moto, je suis le commissaire de course et je vais suivre à moto alors pour moi, oui, casque obligatoire ». Il jette alors un coup d’œil au vélo de course de mon homme et ajoute : « Ouchhh, j’en connais un qui s’apprête à passer une longue et dure journée… avec un bon mal de fesses… » ! Ça me fait bien rire car ça fait des jours que j’en parle à Jo !
On part s’échauffer un peu alors que la nuit devient moins noire. Alors que je trouve un espèce de champ pour faire mon dernier petit pipi… Bim, je me retrouve avec une pointe de 3cm de long et 5mm de large qui transperce ma chaussure et me rentre dans le pied ! La miss chat noir est de sortie… Ça ne me chamboule pas plus que cela : 38 ans que je cumule les galères, je suis blasée ! Jo est un peu plus inquiet. Mais, on est vite divertis par un bénévole qui arbore un beau gilet jaune fluo réfléchissant sur son VTT et dans son sillage, plus d’une centaine de vélos accessoirisés de carrioles, paniers, petite drapeaux en tous genre ! Inutile de préciser qu’il n’y a aucun vélo de route dans toute la vague. Le bénévole invite Jo à prendre le petit train comme il dit pour se rendre sur le lieu de rendez-vous… On est à l’arrache, mes bouteilles sont encore dans la voiture ! Pour nous, pas de drapeau, pas de carriole, pas de panier : juste mes bouteilles (75cl d’eau gazeuse, 2 bidons 600mL mélange eau jus de fruit avec lequel j’ai fait tous mes entrainements, 33mL de coca) quillées dans un sac à dos EASTPAK lui-même quillé sur le dos de Jonathan ! La fine équipe qui ne passera pas inaperçue, vous vous en doutez !
Bon, petit sprint pour Jo pour rejoindre le petit train. Je fais mes dernières foulées d’échauffement pendant lesquelles je croise Hélène et Eric. On papote un peu. Le brief du départ. 1 minute de silence est observée pour Monsieur ROCHOTTE. Dans ma tête, je me dis que ce monsieur toujours jovial aurait aimé qu’on fasse la fête 2 minutes avant un tel évènement. Du coup, tout en observant respectueusement la minute de silence, je fredonne dans la tête la musique de Pirates des Caraïbes qui signifie tant pour moi… Les courageux du 100 bornes prendront le départ quelques 200m plus loin. Nous nous retrouvons donc à une cinquantaine de coureurs à attendre le coup de sifflet libérateur.
Je remarque une nénette qui est au taquet, déjà prête à appuyer sur le bouton « Start » de sa montre alors que tout le monde est encore en train de plaisanter. Placée sur la première ligne – tout comme moi ;) – ça ne trompe pas : elle n’est pas là pour rigoler. Et je ne me trompe pas, dès le départ donné, elle part devant avec le groupe de tête à une allure qui ne doit pas être loin des 13 – 13.5 km/h… Bon, bah, moi je ne vais pas jouer heing, je vais appliquer les consignes du coach. Toujours être facile… Me voici donc calée à 11.5 – 12 km/h avec 2 compagnons de route avec un débardeur et tee-shirt bleus.
Voici nos suiveurs à vélo ! Je repère facilement Jo avec son mètre 89, son sac à dos et… son vélo de route ! Et c’est parti pour 50 kilomètres de papotage… Enfin, 47, si nous voulons être exacts !
Le monde du 100 kilomètres – puisque la plupart des coureurs que nous côtoyons sont alignés sur le 100 kilomètres – est très particulier. On a l’impression d’appartenir à une grande famille dans laquelle tout le monde s’encourage, coureurs comme suiveurs, lors des deux allers-retours du circuit du 50 kilomètres. Une grande famille qui rassemble coureurs, suiveurs et bénévoles même, ceux-ci étant sur le pied de guerre armés de leurs sourires de 5h du mat jusqu’à très tard ce jour-là. Une grande famille qui rassemble même des spectateurs qui suivent en voiture… Bon, ça c’est plus casse ninnins qu’autre chose mais bon, ça fait partie de l’ambiance ! Et même le commissaire de course s’y mettra : titillant Jo à chaque fois qu’il nous dépassera en moto pour lui demander si les fesses vont bien ! D’ailleurs, passé le 25ème kilomètre, je me suis dit que j’allais le prendre à son propre jeu. Il était sur le point de demander comment se portait l’arrière-train de mon cher et tendre quand je lui annonce avec un grand sourire que « Ça y est, j’ai enfin eu sa peau (du c…), et qu’il commence à bien avoir mal ! » Le commissaire sourit et répond à Jo que ce n’est pas le moment de flancher, que, vu les températures qui commencent à monter, je vais avoir besoin d’être ravitaillée plus souvent !
Rigolo aussi la course des suiveurs. Entre la petite dame toute fière de sa carriole achetée 100 euros chez Décathlon mais dont le poids a dû lui sembler fort imposant à trainer sur la fin de course. On la croisera le soir, carriole dans le fossé, alors qu’on revenait de notre petit resto à Vierzon tandis que son coureur était toujours en train d’en découdre à la nuit tombante. Que dire de cet entraineur alsacien qui fait le suivi de son poulain pour son deuxième 100 kilomètres, venu sans vélo et ayant dégoté une relique dans le garage d’une maison d’hôte la veille au soir. A peine les 4 kilomètres pour se rendre au point de rendez-vous des suiveurs et il avait déjà mal aux mains ! Sans parler de la crevaison qu’il a dû réparer je ne sais pas comment au 10ème kilo !
Un autre gars aussi avec un maillot orange avec un comportement vraiment chelou. Vraisemblablement le suiveur de la première féminine des 100 kilomètres. On l’a vu sortir de buissons juste devant nous au moins à 5 reprises sur les 33 premiers kilomètres communs aux deux distances. Puis, sprinter pour retrouver sa coureuse et rebelote. Il y a aussi, mon premier compagnon de route, le gars au tee-shirt bleu, sur lequel on revient au 25ème. Son papa, qui lui fait l’assistance, a fixé son bidon grâce à un élastique. Le fils se sert à chaque fois sur le vélo en prenant le bidon, mais impossible de le remettre. Il doit descendre de vélo à chaque fois pour refixer le bazar ! Finalement, on a presque l’air de pros avec notre sac EASTPAK, notre bouteille d’eau, celle de coca – les bidons mélange eau jus d’orange ont finalement été vidés du fait d’aigreurs d’estomac dès le départ – et notre vélo de route !
D’ailleurs, coté coureurs aussi y a des trucs qui ont relevé du paranormal ce jour-là ! Un gars qui souffle comme s’il était engagé sur un 10 kilomètres alors qu’on vient à peine de passer le 18ème. Déjà ça, cela nous a paru très bizarre ! Étrange également, ce coureur que l’on croise au 37ème, avec son Tee-Shirt ADIDAS BOOST enfilé devant-derrière sans qu’il en soit gêné dans sa course ! Et que dire de ce coureur-là : un gars en débardeur jaune et noir, bien affuté. On le remarque pour la première fois vers le 18ème quand il nous dépasse et nous laisse sur place pour vite prendre de l’avance ! On spécule sur la stratégie de ce coureur chacun de nous deux apportant son hypothèse. Départ prudent, puis accélération ? Arrêt forcé pour pôpô dans un buisson ? Toujours est-il que… quelques kilomètres plus tard, vers le kilomètre 33, alors que nous doublons pas mal de coureurs et qu’aucun ne nous double, un gars avec un débardeur jaune et noir nous dépasse à toute allure ! Euh !!! Bah, cette fois l’hypothèse de l’arrêt dans le buisson est la plus probable vu qu’on n’a jamais doublé le gars entre le 20 et le 33ème… Et le comble de l’histoire, c’est qu’on le verra franchir la ligne d’arrivée tout souriant et nous saluant et félicitant alors qu’on retournait vers la voiture 10 bonnes grosses minutes après que nous ayons passé la ligne d’arrivée ! Toujours sans l’avoir doublé entre le 33ème et le 50ème ! On lui renvoie son sourire bien que décontenancés ! Magique !
Nous sommes toujours sur le rythme de 11.5/11.8. Les kilomètres s’égrainent tranquillement et en papotant. Mes deux compagnons de départ ont pris la poudre d’escampette dès le 10ème kilomètre. Au kilomètre 18, lors du premier aller-retour, nous croisons la première féminine, toute souriante. Son suiveur nous salue et nous encourage. On comptera environ 7 minutes d’avance. De toute façon, je ne pense à rien d’autre qu’à ma séance, garder mon allure. J’ai ma jambe droite un peu bizarre mais je suis facile. J’en profite à fond. Au 25ème, sans changer de rythme, je reviens donc sur mon premier compagnon de route, celui au tee-shirt bleu. Puis au 30ème, on aperçoit à 150m devant mon autre compagnon de route au débardeur bleu. Au 33ème, lors du second aller-retour sur le 50 kilomètres, nous croisons à nouveau la première féminine, Marlène. Elle sourit moins, mais nous estimons (pas du tout pensé à faire un pointage précis) que son avance est inchangée, aux alentours de 6/7 minutes.
Le gars au débardeur bleu est toujours devant nous. Il reste 15 kilomètres à parcourir. Après s’être caillés pendant près de 2h ce matin, on commence maintenant à avoir bien chaud ! Je range les manchettes ! Le gars au débardeur bleu est maintenant à quelques 15 mètres devant. On est encouragés par tous les coureurs que l’on croise. Ça fait du bien car, dans peu de temps, on va s’engager sur la dernière longue ligne droite de 5 kilomètres… esseulés, vu que les coureurs du 100 ont poursuivi leur chemin. J’ai accéléré légèrement au panneau 40, un demi km/h environ, car ce rythme convenait mieux à ma jambe droite qui montre toujours un comportement bizarre. On rattrape le gars au débardeur vers le 44ème. On échange quelques mots. Il prépare Millau. On emprunte alors une toute petite route au milieu des arbres. On revient sur un autre coureur que l’on dépasse car il alterne marche et course. Il prépare aussi Millau !!!
Et là, arrive le panneau 97, synonyme du franchissement du 47ème kilomètre pour nous. Et Jo de m’apostropher : « Tu as vu ce que je vois devant ? » J’ai beau regarder devant, je vois que-dalle ! A part un coureur et son suiveur tout au loin. A Jo de rajouter : « Je ne voudrais pas te donner de faux espoirs mais je crois bien que c’est la première féminine devant. » Ma première réaction (« Tu dis n’importe quoi ! ») passée, j’accélère le pas… Esprit de compèt, es-tu là ? Oui, même après une ballade de 47 kilomètres, dur de le chasser celui-ci ! De toutes façons, même si je fais les 3 derniers kilos au taquet – car pour rentrer et gagner c’est bien de cela dont on parle – cela n’entravera pas ma forme pour dans 4 semaines. Allez hop, on y va, en route vers l’aventure !
Je suis maintenant calée entre 13 et 14… L’intuition de Jo se confirme qu’on on aperçoit le suiveur devant s’arrêter au panneau 98… Il veut faire un pointage, ce qui en dit long sur l’état de Marlène devant. Ça va être juste, mais j’y crois et Jo encore plus que moi. Le suiveur fait son pointage mine de rien, attend un peu que nous nous éloignions – pour ne pas attirer notre attention on pense… Mais trop tard ! C’était sans compter l’œil avisé de mon cher et tendre ! – puis repart à toute balle sur son vélo pour rejoindre Marlène qui se « rapproche » à vue d’œil.
Je relance un peu. Un virage et nous passons au niveau du panneau 99. Marlène a encore 150m d’avance. Elle a un peu accéléré sous les encouragements de son suiveur mais c’est toujours possible de rentrer. J’accélère à nouveau. Plus que 500m avant l’arrivée. Jonathan me demande si je peux encore aller plus vite. Euh là non, je crois bien que je suis au taquet ! Je reviens à la hauteur de Marlène juste avant le virage 200m avant l’arrivée. Malgré les encouragements de son suiveur, Jo me dit que Marlène n’accroche pas. Elle a ralenti d’un coup et marche. Et juste là, cette ligne que l’on franchit tous les deux… C’est la première fois de ma vie que je joue une victoire au sprint. Une petite montée d’adrénaline assez sympa, je dois dire ! Merci à Jo et son œil de lynx de m’avoir permis de vivre ça. J’aurais été seule, je n’aurais même pas remarqué Marlène 600 mètres devant au 47ème.
Je m’excuse auprès de Marlène, car bon, mener toute la course doit laisser des regrets et une fois l’euphorie de la victoire passée, je ressens un peu de culpabilité. Très fair-play, elle me répond que c’est le jeu avec un grand sourire. Elle prépare aussi Millau qu’elle a déjà fait 2 fois.
Après une douche à l’hôtel, on revient pour la remise des récompenses, un massage pour ma jambe droite et un succulent repas d’après course. Retour à l’hôtel pour une petite sieste puis glandage à la piscine pour finir la journée avec un bon petit resto en amoureux sur Vierzon. Pendant ce temps, les courageux du 100 kilomètres sont toujours en train d’en découdre. On croisera en voiture les derniers dans la nuit. Et les bénévoles fidèles au poste toujours souriants et les encourageant encore et toujours.
Pour finir, un grand merci à Jonathan, à son sac EASTPAK et son vélo de course pour avoir partagé tous ces bons moments avec moi. Un grand merci également aux bénévoles pour leur accueil, leur extrême gentillesse et abnégation. Et merci pour votre lecture. J’ai à la fois hâte d’être à dans 3 semaines et une foutue trouille d’y être, même si la présence de Marc en vélo et de mon homme en voiture me rassure un peu.
Agnès
Quand le pyramidal s’en mêle ou comment se défaire d’une fausse sciatique par Agnès DUHAIL
17 octobre 2016 @ 14 h 09 min
[…] kilomètres, je ressens comme des sortes de décharges électriques dans la jambe droite : http://www.team-outdoor.fr/blog/entree-dans-le-monde-de-lultra-sur-route-par-agnes-herve/ J’arrive à les maitriser en posant mon pied autrement mais bon c’est pas normal ce […]