100 km de Millau, France de Trail : 2 courses à quatre jambes, un récit à 4 mains (II)
Partie II : les championnats de France de Trail court 2015, le 27 septembre 2015, Le Mont Dore (63)
par Jonathan DUHAIL et agnès HERVE, Team Outdoor Paris
… [suite] [J] Après 3h de route et quelques pauses pour détendre la fesse et la jambe d’Agnès, nous arrivons au Mont Dore. Il est déjà 20h30 et il fait nuit noire, mais il y a un superbe feu d’artifice pour nous accueillir, juste à côté de notre hôtel :) Notre chambre est assez petite mais on arrive quand même à rentrer tout notre bazar.
[A] Nous voici enfin au Mont Dore. Le chemin m’a paru interminable. La douleur à la fesse était bien présente, la déception également mais je fais en sorte de ne pas trop le montrer. Maintenant, il faut que Jo se concentre sur sa course et se fasse plaisir. Le Mont Dore est vraiment une petite ville sympathique, même si là, on ne la verra que de nuit pour aujourd’hui. Allez, c’est l’heure de manger et de valider les derniers détails pour demain.
[J] Après un rapide repas, je montre à Agnès les points du parcours où elle pourra passer me voir : départ, puis 5 points sur le parcours et enfin l’arrivée. Il y a un seul ravito au 11ème km, donc je lui laisserai une flasque pour qu’elle puisse me la donner à cet endroit.
Nous parlons ensuite rapidement de la course du lendemain : sur ces Championnats, la densité de coureurs est plutôt impressionnante et il ne va pas falloir se louper pour remplir les objectifs. Les deux grands favoris sont Cédric FLEURETON et Julien RANCON. Derrière, pas mal de noms ressortent : BELLAMY, BROCHOT, BARONIAN, MAILLARD, MICHAUD, VIET, DEMURE, …
[A] En début de semaine, un article paru en ligne sur EnduranceMag. Jonathan était cité paris les 5 favoris de l’épreuve. Cela le faisait bien rigoler de voir son nom aux cotés de celui de Bellamy et de Michaud… mais perso, j’étais confiante. Je sais bien que cette course est très très dense en termes de niveau. Mais, je sais aussi que sur ce genre de grands rendez-vous, cela part très très vite devant. Et du coup, ça risque aussi d’exploser. Même s’il le sait déjà, je rappelle à Jo de prendre un départ à son rythme sans prendre de risque à suivre devant. J’ai une grosse confiance en lui, il a beaucoup progressé cette année et il est en grosse forme en ce moment. S’il ne se met pas dans le rouge en début de course, il devrait pouvoir remonter progressivement.
[J] Demain, il y a un double objectif. Il s’agira, déjà, de bien figurer au classement, en visant un top 10. Mais, aux France ce sera également le podium du TTN qui va se jouer. Pour cela il va falloir arriver devant mes principaux « concurrents » au classement général. Agnès croit fort en moi, du coup je suis hyper motivé pour aller chercher le podium, voire mieux. Pour le moment je suis 4ème, mais je me dis que tout est possible.
Le classement du TTN se joue sur les meilleurs classements sur 4 courses, plus le classement du Championnat de France. Pour bien planter le décor, voici un petit point sur le classement avant les France :
- 1er: Laurent VICENTE – Team ERREA, avec un total de 26199 points. Il a gagné le Trail Givré de Montanay et les Gendarmes et les Voleurs, fait 2ème au Circuit des Grands Crus à Rouffach et 3ème à l’Infernal Trail des Vosges. C’est un redoutable compétiteur, qui gère bien ses courses et qui est plutôt spécialisé en course de montagne. Le parcours des France devrait bien lui convenir. C’est la seconde fois qu’on prendra le départ ensemble cette saison, après l’Infernal trail des Vosges il y a 15 jours.
- 2ème: Geoffroy SARRAN – Team MIZUNO, avec un total de 25816 points. Il a gagné le Trail des Sangliers à Balaruc-les-Bains et Sur les Traces du Loup, fait 2ème au Trail de Sancerre et 3ème au Transju’Trail après s’être perdu en début de parcours. C’est le vainqueur du TTN 2014. Chaque fois que l’on a couru sur la même course, on a toujours fini avec une seule place d’écart : ça s’annonce compliqué pour lui reprendre des points ! Ce sera la quatrième fois qu’on s’alignera ensemble sur une course TTN.
- 3ème : Romuald DE PAEPE – Team ADIDAS, avec un total de 25545 points. Il a gagné le Sparnatrail à Epernay, fait 2ème aux Gendarmes et les Voleurs et Sur les Traces du Loup et 4ème au Trail de Sancerre. C’est le plus expérimenté de nous 4. Il réalise vraiment une grosse saison, que ce soit sur les cross (10ème aux France de cross Vétéran) ou en trail (4ème place à l’OCC cet été). Il aime les mêmes types de profils que moi et c’est toujours très serré aussi lorsque l’on court l’un contre l’autre.
[A] Bon et le 4ème au classement TTN bah c’est Jo. Jonathan DUHAIL – TEAM OUTDOOR PARIS – la classe heing ! – , avec un total de 25388 points. Sur le TTN, il a donc remporté deux manches le Trail de Sancerre et l’Infernal Trail des Vosges. Il signe une seconde place à la Transju’Trail et une belle 5ème place au très relevé Trail Faverges Icebreaker. Si Jo n’arrête pas de me dire que le parcours des France ne semble pas être ce qui lui convient le mieux, je suis certaine qu’il va pouvoir sortir son épingle du jeu s’il gère sa course à sa main comme il sait bien le faire. Inutile de partir comme un tarbelé comme il y a 15 jours dans les Vosges ;)
[J] Après une dernière révision pour rassurer Agnès sur son périple de suiveuse demain, je range le GPS – dans lequel on a rentré les points de passage en favoris – et les cartes du parcours. Petit massage pour essayer de détendre la jambe douloureuse de ma chérie et dodo. Le réveil est encore fixé assez tôt demain matin…
A 5h00 du matin, réveil anticipé… On est sortis de notre sommeil par le speaker qui présente la Trail long : les favoris, le parcours, les organisateurs… A 5h30, coup de feu pour donner le départ du 60km. On les reverra sans doute sur le parcours car les 30 derniers kms sont communs.
[A] Vers 6h00, nous déjeunons rapidement puis nous rangeons tous les bagages. Jo prépare ses flasques. Il ne partira qu’avec 500 mL au départ du Mont Dore et je lui donnerai son autre flasque au ravitaillement qui se trouve au Col de la Croix Saint Robert après 11 kilomètres de course. Il y a, en outre, pas mal de points d’eau sur le parcours.
[J] Départ de l’hôtel à 7h45 pour aller garer la voiture prête à partir vers le premier point pour Agnès. La météo s’annonce parfaite pour le moment : le soleil est là, même si, à cette heure matinale, il fait plutôt froid (de nombreux coureurs partiront soit en manches longues soit en manchettes). Je garde donc un haut manches longues et ma veste pour rester bien au chaud le plus longtemps possible.
On se dirige ensuite vers le gymnase pour récupérer mon dossard. Sur le chemin on rencontre pas mal de personnes qu’on connait : Baptiste DOMANICO, avec qui j’avais couru au Trail des 3 Châteaux et à Faverges, Jaouad ZEROUAL qui a gagné le Trail Drôme et qui est coaché par Bertrand, l’entraineur d’Agnès, Vincent VIET qui s’aligne cette année sur le court après sa superbe 4ème place l’an dernier sur le long aux France, …
Pour cette course mon dossard sera le 52 : j’aurai accès au sas élite (trois sas sont définis : élite, Championnat de France et Open) mais Agnès me conseille quand même de ne pas m’y rendre trop tard pour être quand même bien placé. Après une inspection du matériel obligatoire (coupe-vent, boisson, sifflet, couverture de survie, bonnet et réserve alimentaire), je file m’échauffer car le temps passe vite. On part avec Agnès repérer la fin du parcours. Beaucoup de coureurs ont eu la même idée, la côte (qui sera une descente en fin de course) est bien remplie et il faut zigzaguer un peu.
La suite de l’échauffement se passe bien, sur un terrain un peu plus plat pour ne pas non plus se fumer les jambes avant la course :) !!! Après une dernière pause pour être plus léger je me dirige vers le départ où je retrouve ma chérie : je lui donne tout le bazar dont je n’ai plus besoin : mon pull, mes gants, … et je file dans le sas.
[A] Après la petite photo de mon homme derrière son grillage du sas et un dernier bisou, je file me placer à 500m du départ afin de me rapprocher de la voiture le plus possible. Je n’ai pas beaucoup de temps pour aller au premier point de passage, surtout que je ne peux pas vraiment courir aujourd’hui. Au coin de la rue, je retrouve Martine, la maman de Geoffroy, avec laquelle j’avais partagé le suivi au trail du Sancerre. Elle m’apprend que Geoffroy s’est blessé au genou et qu’il était récalcitrant à prendre le départ. Je la sens inquiète. J’espère que ses doutes ne vont pas être fondés et que Geoffroy va pouvoir se faire plaisir. C’est vraiment un garçon sympa.
[J] Ma chérie est partie se positionner un peu plus loin dans le village. Dans le sas, il n’y a pas encore tout le monde mais il est déjà bien rempli. Je retrouve Geoffroy et Laurent qui sont en première ligne et j’aperçois, plus ou moins, tous les favoris. Il ne manque que Romuald à l’appel !! Il arrivera juste avant le départ et j’apprendrai après la course qu’il s’était blessé la veille. Il faut dire que la saison est longue.
Je suis en troisième ligne environ. Au coup de pistolet, tout le monde s’élance. Ça part moins vite que je l’avais imaginé. Il y a 2kms de faux-plat descendant donc l’allure est soutenue, mais ce n’est pas non plus trop rapide. Je vois ma chérie au coin de la rue et je l’entends qui m’encourage. Après 1 kilomètre, un premier groupe se forme devant avec une quinzaine de coureurs dont les principaux favoris. Je suis en tête d’un second groupe aux cotés de Geoffroy et Laurent : ça sent le marquage à la culotte pour le TTN cette affaire :)
Comme prévu, je ne cherche pas à m’accrocher à la tête de course. Après les deux premiers kms de bitume, on bifurque sur un chemin qui monte doucement. Les écarts commencent à se creuser. Je trouve que mon rythme est déjà assez élevé pour un 34km avec autant de dénivelé, donc je n’hésite pas à laisser passer quelques coureurs.
[A] Bon bah je file à la voiture pour rejoindre le premier point de passage. Il va falloir la jouer stratégique aujourd’hui, car j’ai l’impression que le nombre de suiveurs est sensiblement plus élevé sur les France que sur les autres manches du TTN. En plus, à chaque point de passage, il faut que je fasse demi-tour pour rejoindre le point de passage suivant. Et comme, à chaque fois, les coureurs traversent la route que l’on prend, il va falloir faire demi-tour avant de se garer prête à repartir dans l’autre sens afin de ne pas être bloquée par les coureurs ou par les voitures suiveuses…
Pour ce premier point, je préfère me garer un peu en aval du point indiqué par le GPS. Je suis un peu anxieuse par rapport à la tête des bas-côtés. La dernière fois que je me suis garée sur un bas-côté qui avait cette tronche là…. Bah, je n’en suis ressortie qu’avec l’aide d’un Jojo poussant la C3 !
Ouf, me voici garée… mais bon il y a 300m à faire pour rejoindre le point de passage. Je « coure » clopin-clopant jusqu’au chemin qui traverse la route. Pour le moment, ce sont les coureurs du 60 qui sortent du Bois. Je retrouve Martine bien en place ! Elle a été plus rapide que moi ! Voilà déjà Julien RANCON, Cédric FLEURETON, Jaouad et 2 autres coureurs du 34…. Puis, environ à la 25ème place, Jo. Geoffroy est juste devant lui avec Laurent VICENTE.
Au 5ème km, Agnès est là comme prévu. Elle m’encourage à fond, surtout qu’elle me voit avec Laurent et Geoffroy et que je ne dois pas paraître très facile à ce moment ! Juste après la traversée de cette route Laurent accélère un peu. Geoffroy s’accroche, mais de mon côté je ne me sens pas capable de suivre et je les laisse prendre quelques mètres d’avance.
Nous montons maintenant depuis 5kms environ sur un rythme régulier. J’ai repris Geoffroy et nous courons ensemble. Laurent est en visuel pas loin devant. Le temps est magnifique et le soleil se lève sur les montagnes autour de nous. Pour le moment, il ne fait pas chaud mais je sais que ça va venir :)
[A] Pfffiou. Impossible de lire sur son visage si cela allait ou pas. On a beau avoir convenu d’un départ prudent pour Jo, ça fait bizarre de le voir en 25ème position. Bon, je n’ai pas le temps de gamberger. Je file retrouver ma C3 garée à perpète… Martine est déjà remontée dans sa voiture conduite par son frère. En me doublant alors que je cours sur le côté de la route, ils me proposent de déposer à ma voiture. Mais j’y suis dans 150m alors pas la peine de les déranger pour ça.
Ça y est ! Je rallume le GPS pointé sur le Col de la croix Morand et je fonce… enfin, j’aurais bien aimé foncer. Mais il y a plein de voitures sur la route qui mène au col. L’enfer… Ça se traine le c… devant comme dirait mon chéri. Je vais le rater si ça continue comme ça. Après des minutes qui me paraissent des heures, j’arrive enfin à proximité du sommet. Et là, c’est un bordel sans nom, toujours comme dirait mon chéri… On n’avance pas.
Les voitures sont bloquées par les coureurs du 60 qui traversent la route mais elles veulent aller au sommet. Je décide de faire demi-tour. Enfin si la voiture qui me colle derrière veut bien me laisser faire. Ca y est. Je fonce me garer dans la descente là où il y a encore de la place…. C’est-à-dire assez loin !!! Je sors de la voiture. Je regarde sur le chemin en contrebas. Je vois une grande perche avec son Tee-Shirt jaune ! Merde ! Déjà Jonathan ! On est au même niveau. Alors c’est soit je sprinte, soit je le rate….
[J] Au 7ème km nous arrivons au Col de la Croix Morand : nous sortons d’un petit bois pour courir à travers des prés. Il faut régulièrement enjamber des petites échelles qui permettent de passer les barbelés. Je vois le groupe de tête un peu plus loin devant. Il s’est quand même beaucoup étiolé vu qu’il ne reste que 5 ou 6 coureurs dedans. C’est à ce moment que Geoffroy décroche.
[A] J’arriverai, essoufflée, 5 secondes après sa traversée de route mais il a au moins entendu mes encouragements !
[J] La montée continue puisqu’on voit les coureurs devant qui sont déjà dans les lacets au-dessus. Au passage sur la route, Agnès est là, fidèle au poste [il ne se doute de rien l’animal… !!!] . Il ne doit pas faire chaud vu le nombre de couche qu’elle a sur elle ;) [euh, alors là, détrompe-toi mon ptit gars… Certes, il ne fait pas chaud dehors, mais là, avec mes 18 000 couches que je n’ai pas eu le temps de retirer avant de piquer mon sprint à 16 km/h pour ne pas te rater, bah je tombe l’eau comme on dit !]
Je relance autant que possible sur la portion de 300m de route que l’on emprunte et je continue de courir dans la suite de la montée : la pente n’est pas trop raide et permet de courir partout pour le moment. Arrivé au sommet, je jette un œil au panorama (mais sans m’arrêter, faut pas déconner !!) pour basculer dans la première petite descente.
Puis, on remonte vers les crêtes pour ensuite redescendre et rejoindre le ravito. Je ne suis pas super à l’aise dans la descente et j’essaie de me concentrer mais, pour le moment, je n’y arrive pas trop. Heureusement, c’est plutôt court et on remonte de nouveau. Ça fait maintenant un moment que l’on a rejoint le parcours du 60km et il faut doubler très régulièrement.
[A]. Je n’aurais pas le temps de profiter du paysage de ce magnifique Col de la Croix Morand. Si c’est autant le merdier au Col de la Croix Saint Robert, ça va être l’angoisse. Car là, je n’ai pas le droit de me louper, vu que je dois lui apporter sa seconde flasque. En plus, si je ne suis pas là, il ne pourra même pas profiter du ravito. Il a décidé de laisser l’éco-tasse non obligatoire dans la voiture puisqu’on s’est calés pour que je le fournisse aussi en coca.
Je saute dans ma C3, j’appuie sur le favori N°4. D’habitude, je planifie le prochain point de passage avant de sortir de la voiture mais là, vu le timing, je n’ai pas eu le temps…. Bon, bah, comme d’hab devant les voitures n’avancent pas. Le GPS indique 12 minutes de route… puis 13… puis 14… pô pô pô pô pô… c’est pas gagné cette affaire-là !
D’autant moins gagné, qu’une fois arrivée au point indiqué par le GPS, pas de ravito ! Je me renseigne auprès d’une personne qui est là… « bah non ma petite dame, vous n’êtes pas à la Croix Saint Robert ici »… eh merde ! Je suis vraiment une looseuse ! Je me suis plantée de favori. Il fallait aller au favori 3… A ce moment-là, je suis énervée contre moi-même mais à un point indescriptible ! Je pouvais rater tous les points de passage mais pas celui-là. J’ai les larmes aux yeux. Mais pas le temps de s’apitoyer sur soi-même. Je saute dans ma C3 et je fonce direction la Croix Saint Robert.
Avec le temps que j’ai perdu pour aller au parking de la station du Puy de Sancy, il y a plein de pinpins qui ont emprunté la route du col. Plus on se rapproche du sommet et moins on avance vite. On est maintenant à la queue leu leu à 10 kil/h. le GPS m’indique encore 1.5 kilomètres. Le bazar devient sans nom quelques mètres plus loin.
Des voitures sont garées sur la partie gauche de la route. D’autres voitures (plein) qui reviennent du ravito – pour la course du 60 kilomètres ou parce qu’elles ont voulu aller le plus près possible du col mais qu’il n’y a plus de place pour se garer– veulent passer et se décalent sur la partie droite de la route. Ce qui fait qu’on est complètement bloqués. Je sens le truc arriver que je vais rater Jonathan. Je repère une espèce de place ou il y a étrangement personne. Je m’impose pour faire demi-tour créant un merdier encore plus redoutable pour les voitures derrière moi mais bon, cas de force majeure !
[J] Arrivé de nouveau au sommet, je me lance dans la descente vers le ravito. Je ne me fais pas du tout plaisir et je sens que je n’avance pas vraiment bien. Trois coureurs me passent en même temps, mais quand j’essaie de les accrocher, je me ramasse tout de suite ! Tant pis, je fais la descente à mon rythme en espérant que ça aille mieux après.
[A] Ouf je suis garée ! J’attrape le sac dans lequel j’ai la flasque et le coca et je cours vers le ravito. Je m’informe… le premier du 34 n’est pas encore passé… ouf… Je sors la flasque et le coca. J’essaie de repérer la zone d’assistance afin de ne pas avoir de pénalité. Mais c’est un foutoir monstre ici aussi. Il y a des spectateurs partout, des gars de teams partout avec des flasques et des sacs. Les coureurs n’ont pratiquement pas la place de passer.
Julien RANCON arrive alors, suivi de près par Cédric FLEURETON. Puis Thibault BARONIAN pointe, un peu décroché, en troisième position. Jaouad est 5ème. En attendant Jonathan, je discute avec les parents de Gwénaël BUSSEUIL, vraiment très gentils. Leur fils a fait 5ème du TTN court en 2014 mais a connu un début de saison perturbé par une blessure cette année. Les coureurs du 34 continuent d’arriver au ravito. J’en suis à 15… Au loin, dans la pente qui descend à pic, je reconnais la magnifique foulée de mon homme ! J’espère qu’il va bien.
[J] Voilà le ravito : c’est noir de monde !! On voit que c’est le Championnat de France, beaucoup de monde est venu suivre les coureurs. Je me dis qu’Agnès doit se sentir moins seule ! Je repère facilement ma chérie, les bras levés avec une flasque dans la main gauche et la bouteille de coca dans la main droite !
Je bois quelques gorgées de coca et récupère la flasque. J’ai alors le droit à une question de ma chérie : « Ça va pas ?», alors que j’ai pas l’impression d’être mal. Quand je lui réponds que ça va, elle me demande comment ça se fait que je suis loin de la première nana ! Je sais très bien qu’il n’y a pas de fille devant moi, donc je lui réponds que c’est pas possible, que ça doit être une fille du 60km. [Ouais, la boulette ! mais je n’ai pas dit « loin », j’ai juste dit « derrière » !!!]
Bon, je lui pardonne car grâce à ma chérie, je connais mon classement. Jusqu’à présent, aucune indication par les spectateurs. Elle m’annonce 18ème. Ce n’est pas vraiment ce que j’espérai à cet endroit, mais la course n’est pas finie. C’est même là qu’elle est sensée commencer… enfin, j’espère !
En repartant, je me dis que de toute façon je ne suis pas trop mal et je dois être à peu près à ma place vu que Romu et Geoffroy sont derrière, et Laurent pas loin devant. Je profite du petit replat qu’il y a avant d’entamer les bosses suivantes pour relancer. Je sens que les jambes vont bien et que je n’ai pas encore trop entamé mes réserves.
Du coup quand ça remonte, je continue à courir même si la pente devient un peu plus raide. Je rattrape Hocine BOUTRIA (2ème à l’Infernal Trail) dans une des montées : il n’avance plus trop et semble dans le dur. Il finira quand même, mais à une 62ème place qui ne reflète pas du tout son niveau. A partir de ce moment-là, je remonte régulièrement des coureurs. C’est encourageant vu que la mi-course n’est pas encore passée.
[A]. Mon homme repart après quelques secondes de ravito. Je range la flasque vide dans le sac. Je salue les parents de Gwénaël et je fonce vers la voiture. Normalement, Jo fait pas mal de kilomètres avant que je puisse le revoir donc j’ai le temps de rejoindre le parking de la station du Sancy situé à 4 kilomètres de l’arrivée. Mais avec ce merdier, on ne sait jamais, je préfère ne pas camper sur place !
Quand j’arrive à proximité de la C3, à peine ai-je mis la clé dans la serrure que je me fais alpaguer par un gars de l’orga qui me sermonne sur l’endroit où je suis garée…… juste devant un gros panneau « interdit de stationner » placé là pour l’occasion. Je comprends mieux pourquoi il y avait une place libre ici. C’est sûr, qu’avec le recul, je conviens que l’emplacement n’est pas franchement génial, en plein dans un virage… Je fais mon plus beau sourire en m’excusant et argumentant le fait que j’ai bien failli rater le ravito de mon chéri… bla bla bla…je dois le saouler car il me fait vite signe de circuler…Ses grands gestes de la main me font grave penser à ceux de Bourvil quand il chante « La tagadatactique du gendarme »… Je lutte pour garder mon sérieux ! Je fais vraiment n’importe quoi aujourd’hui !
Je suis épuisée… Je pointe le favori 4 – le bon cette fois – dans le GPS et je repars. Ouf, on va enfin pouvoir sortir de cette galère. Enfin… il faudra 20 bonnes minutes supplémentaires pour s’extirper de ce col. Car les voitures continuent à monter au sommet là où il n’y a plus de place, à faire demi-tour et à redescendre, tout cela avec la moitié de la route du col bloquée par les voitures qui y sont garées !
[J] Au 16ème km, on entame la descente vers la vallée de Chaudefour. C’est la première vraie descente du parcours : 600mD- sur 4km. Je me sens tout de suite beaucoup mieux que sur les premières descentes. Grâce aux conseils de Bertrand, je ne me laisse pas porter par la pente mais je continue de donner du rythme. C’est vraiment agréable de prendre du plaisir aussi en descente et de ne pas se dire pendant tout le long : « Quand est-ce que ça va s’arrêter ? ».
Pendant la descente, je rattrape Jaouad qui ne semble pas au mieux : il s’est blessé à la cuisse. Je cours un peu avec lui vu que c’est un single. En plus, ça me permet de temporiser un peu et de récupérer avant la dernière grosse ascension du parcours vers le Puy de Sancy.
Toute cette partie de la course est très sauvage : c’est un régal de courir dans ces paysages magnifiques et très variés. Parfois, on est en sous-bois, parfois à découvert avec vu sur les massifs… Bref, je profite de la descente qui passe très rapidement. Le seul défaut c’est qu’aucun point n’est accessible en voiture donc je ne reverrai Agnès qu’après la descente du Sancy.
En bas, comme prévu, il y a un point d’eau. Je ne m’y arrête pas, car je suis très large niveau boisson, je n’ai pas bu énormément. La montée, comme les précédentes commence par une pente pas vraiment très raide qui se coure bien si on s’est économisé au départ. On arrive au 20ème km, il n’en reste donc plus que 14. C’est à partir de là que je commence à vraiment puiser dans mes réserves. J’ai quelques coureurs en points de mire que je remonte un par un. Beaucoup d’entre eux marchent alors que j’ai l’impression d’être encore très bien.
[A]… enfin arrivée au parking… après étude de la carte, je décide de me garer un peu plus bas. Je roule sur une petite route qui sera ensuite empruntée par les coureurs. Je repère l’endroit où ils quittent la route pour garer ma voiture juste après afin de ne pas être gênée pour repartir vers le prochain point de passage puis l’arrivée. Je replace la rubalise qui barre la route. Elle a été arrachée. De là, je vois les coureurs sur la crête de l’autre versant. Ils sont tout petits vus d’ici. Jonathan a déjà dû passer ici. En face, on aperçoit le Puy de Sancy auquel s’attaqueront les coureurs.
[J] Le paysage devient plus rocailleux au fur et à mesure que l’on progresse vers le sommet. Arrive un premier passage très raide où je décide de marcher (enfin où la pente me force à marcher plutôt;)). Dès que possible, je relance. Pas loin du sommet, je rattrape Maud GOBERT, alors en 2ème position sur le 60km chez les femmes. Je l’encourage parce qu’Agnès et elle se connaissent bien. A ma grande surprise, elle me répond : « Ah mais c’est le compagnon d’Agnès ! » Je ne pensais pas qu’elle se souviendrait de moi, vu qu’on ne s’est pas croisés souvent.
Je continue la fin de la montée à mon rythme et juste après je rattrape aussi la première femme du 60km (Anne-Lise ROUSSET), que Maud rattrapera aussi avant l’arrivée. Sur la fin de l’ascension, je reprends encore quelques places en courant tout le long. Le passage au sommet est splendide. De nombreux spectateurs sont montés jusque-là et il y a de l’ambiance (mais aussi des commentaires moins sympas : « Regarde la gueule qu’il tire celui-là » ou « Il va jamais aller au bout c’est sûr » :)).
Le début de la descente est horrible. Ce sont des marches d’escalier en bois, complètement irrégulières, et assez casse-gueule. J’essaie de les descendre du mieux possible en pas chassés, comme je fais d’habitude dans les escaliers avec mes grands pieds. Ensuite, on revient sur du classique, c’est-à-dire une descente plutôt raide et assez technique avec de la boue et des cailloux. J’arrive à maintenir un bon rythme dans cette descente et à revenir sur quelques concurrents.
[A] Un bénévole vient se garer à quelques 50 mètres de là où je suis. Il me parle de loin mais je ne comprends pas trop ce qu’il me dit. Ah, il me demande si je suis placée là ! En fait, il pensait que j’étais aussi bénévole. Je lui dis que j’attends juste mon chéri. Cécile Lafranchi se gare pas loin, on papote un peu puis elle part vers le parking pour attendre son mari. Avec le bénévole, on papote en attendant les coureurs. C’est un gendarme, super gentil. Il me présente les différents sommets qu’on voit de là. Il est aussi bénévole sur une course de ski l’hiver. Les coureurs se font désirer ! On verra les premiers du 60 qui ont bien creusé l’écart… Je prends le pari que ceux du 34 arriveront à 11h30… gagné ! C’est Cédric FLEURETON qui est maintenant en tête avec 1min15 d’avance sur Julien RANCON. Thibault est toujours troisième un peu plus loin derrière. Il a creusé le trou sur le quatrième.
Je dis à mon compagnon d’attente que mon chéri ne devrait pas tarder à arriver. C’est frustrant de ne pas savoir s’il a pu remonter de sa 18ème place. Même si j’ai une grande confiance en lui. Je vois passer Bertrand BROCHOT puis j’aperçois Jo au loin quelques mètres derrière un coureur que je ne reconnais pas d’ici. C’est Christophe MARLARDE. Je préviens le bénévole que mon chéri arrive et que je vais filer juste après pour aller le voir passer juste en dessous. Il est super content de me voir heureuse comme ça et il encouragera Jonathan à son passage.
[J] A 5km de l’arrivée, je double Laurent qui commence à baisser un peu de rythme. De mon côté, je donne tout pour finir le plus fort possible, et essayer de grappiller encore quelques places. On passe sur un bout de route. Je vois ma chérie au loin qui m’encourage et qui m’annonce en neuvième place alors qu’il reste encore plus de 4km.
Je double Christophe MALARDE qui terminera juste derrière moi à l’arrivée et deuxième V1. Le profil est beaucoup moins descendant et il faut se faire mal pour conserver un rythme soutenu. Quelques petites bosses viennent même pimenter la fin du parcours. Je vois devant deux concurrents qui avancent bien, mais quand je rattrape le premier d’entre eux, il s’agit de Thierry BREUIL qui est sur le 60km… On s’encourage mutuellement et je repars à la poursuite de l’autre coureur.
[A] J’encourage Jo à passer devant Christophe. Chaque place compte ! Surtout que cela va se jouer là pour la victoire au général du TTN… Je n’aperçois pas Laurent VICENTE mais je n’ai pas le temps d’attendre qu’il passe si je veux voir Jonathan 500 mètres plus bas…Je saute dans ma voiture et fonce sur cette petite route toute cabossée !!! Merde trop tard ! Je l’ai loupé !
[J] Tout à coup, j’entends derrière moi des coups de klaxon : je sais instantanément qui c’est, même sans la voir. Agnès me confirmera que c’était bien elle : après m’avoir vu plus haut, elle a repris la voiture mais est arrivée trop tard. Elle m’a vu passer de loin donc elle a klaxonné en se disant que j’allais savoir qui c’était. Puis, peu après, j’entends une voiture qui fait une longue marche arrière ! Ouais, elle s’amuse bien !
[A] S’il savait la suite… mais bon, j’ai trop honte… je le laisse vous la raconter… De retour au Mont Dore, je l’encouragerais dans les derniers 500m. Il peut encore reprendre une place, Benjamin BELLAMY n’est vraiment pas loin devant. Il ne faut rien lâcher.
[J] Enfin, j’arrive au niveau de la dernière descente pour arriver au Mont-Dore. Une fois de plus, je retrouve Agnès et pas mal d’autres spectateurs. Elle m’encourage à aller reprendre le coureur devant moi mais je ne l’aurai pas… Il ne restait que 500m…
Je coupe la ligne d’arrivée en 03:02:03 à la 7ème place. Je suis vraiment super content de ma course et entièrement satisfait avec cette 7ème place. Les deux premiers étaient vraiment intouchables comme prévu : FLEURETON et RANCON terminent plus de 15min devant moi. Ensuite BARONIAN finit aussi 12min devant (à peu près comme au Transju’Trail). A partir de la 4ème place, les écarts sont plus raisonnables.
Laurent VICENTE finit trois minutes derrière à la 10ème position. Geoffroy a donc abandonné, et Romuald n’a pas pu faire la course à son niveau. Les calculs pour savoir qui est devant au TTN vont donc être serrés entre Laurent et moi !! ;)
Après l’arrivée, des bénévoles sont là pour contrôler les sacs de tout le monde, ce qui est plutôt pas mal pour éviter que certains partent sans le matos obligatoire. Je retrouve enfin Agnès pour pouvoir la remercier pour son soutien et son assistance que ce soit pendant la course ou dans la vie de tous les jours. En plus, je sais que ça n’a pas dû être facile d’être au volant avec la douleur qu’elle avait dans la fesse.
J’ai vraiment beaucoup donné sur la fin de course et j’ai besoin de me reposer. Mais ma chérie en a décidé autrement pour la fin de journée avec une dernière péripétie : la voiture est bloquée quelque part un peu plus haut, le GPS aurait entrainé Agnès dans un coin où ça ne passait pas et en faisant demi-tour, la voiture s’est bloquée. Je n’ai pas trop de détails, mais je sens la galère arriver !!
Après avoir attendu l’arrivée de Romu, discuté avec Yann VARIN aux côtés d’un Laurent VICENTE en train de comptabiliser les points pour le TTN, on part donc en direction de la voiture pour voir ce qu’il en est. Déjà, il a fallu la retrouver et ça n’a pas été facile vu qu’Agnès l’a laissée sur place et est partie en courant sans se préoccuper d’où elle la laissait pour ne pas rater mon arrivée… Tu vois déjà la galère…
En arrivant finalement là où elle est « garée », je vois l’étendue des dégâts : le châssis est posé sur un muret juste devant la roue arrière droite. Du coup, la roue arrière ne touche pas du tout par terre, et la roue avant tourne dans le vide car elle n’a pas assez de poids dessus !! En prenant quelques cailloux aux alentours pour faire un rail et surélever la voiture, on la sort finalement de ce mauvais pas : Agnès au volant et moi qui pousse….
[A] la journée galère de la suiveuse dans toute sa splendeur…. Je suis épuisée mais si heureuse pour mon homme… le voir avec ce grand sourire vaut bien les quelques misères que j’ai eu à affronter aujourd’hui… et puis, cela m’a permis, d’oublier ma déception de la veille.
[J] On retourne ensuite sur le village d’arrivée pour profiter un peu de l’ambiance, du beau soleil et du repas. On fait un petit pique-nique, quelques photos, et il est déjà l’heure de rentrer sur Paris.
Sur le chemin du retour, on repasse quand même par le Col de la Croix Morand pour en profiter un peu tous les deux. Puis, on reprend la route et on retrouve les joies de la vie en région parisienne avec les bouchons du dimanche soir !! Ce fut donc un WE contrasté avec des joies et des déceptions mais avec de superbes paysages et la joie de les découvrir ensemble.
Jonathan & agnès
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